La langue française se porte bien  

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Si les maîtres d’école, les professeurs et les rédacteurs de dictionnaires s’en inquiètent, les linguistes eux se réjouissent des avancées de la langue française en faisant bien la différence entre faute et évolution. Et surtout en prenant en compte la place qu’elle occupera à long terme dans l’usage.

Une réponse au climat de défiance

La langue est notre bien à tous, ce qui nous permet d’avoir voix au chapitre et de nous faire entendre. Mais elle peut aussi engendrer des craintes sur la manière de dire, de prononcer ou d’utiliser des nouveaux mots. Et la peur de la faute qui paralyse nombre d’écoliers et, devrais-je dire, encore nombre d’adultes qui utilisent quotidiennement le correcteur d’orthographe sur Internet, même si lui aussi fait parfois des fautes ! Alors une question se pose : qu’est-ce qui doit s’écrire puisque la forme correcte d’aujourd’hui est souvent la faute d’hier ? Un exemple : le fromage tire son origine du latin formaticum. Il serait donc correct d’un point de vue étymologique de dire formage et non fromage. Autres exemples, on devrait dire infractus et génicologue mais l’histoire en a décidé autrement.

Dénoncer les contrevérités

La langue de Molière a évolué et n’est donc plus écorchable. Lui-même n’était pas un puriste et a saupoudré ses pièces de jargons et de mots inventés comme dans la cérémonie du Mamamouchi. Reste la « clause Molière » qui impose l’usage du français dans les appels d’offres des marchés publics, mais rejetée par le Sénat en 2017. Si on parle le français depuis les Serments de Strasbourg au IXème siècle pour différencier le français du latin, il s’est transmis en Europe, France, Wallonie et Suisse romande, avant d’essaimer dans le Maghreb, les Antilles, le Québec, Madagascar, Terre-Neuve, Pondichéry ou l’Afrique subsaharienne. 300 millions d’humains se le partageraient et il fait partie des 10 langues les plus présentes sur Internet. Si nous disons « Je vais » quand d’autres disent « Je vas », les Acadiens disent encore « Ils sontaient » pour « ils étaient ».

L’éducation plurilingue

C’est l’article 2 de la Constitution adopté en 1992 qui stipule « la langue de la République française est le français » et donc alsacien, basque, breton picard ou provençal, il faudrait la réviser pour que la France applique la Charte européenne sur les langues régionales. Le franglais n’existerait pas, mais nous avons adopté le bienheureux week-end, les followers des réseaux sociaux, sans parler du shopping pour acheter des produits made in France. Les langues ont pour habitude de bouger, les jeunes aujourd’hui ne disent plus cool mais frais ou stylé. Certains pourtant se rebiffent, le logiciel a gagné du terrain sur le software mais le spam l’a emporté sur le pourriel. Avouez que spoiler est quand même plus agréable à dire que divulgâcher !

Reste à formuler des vœux et si … la linguistique était au programme des élèves, l’enseignement de la grammaire rejoignait l’enseignement scientifique au lieu du par cœur et si on laissait une large place à la recherche sur la langue, son histoire et ses dynamiques, les idées fausses disparaitraient d’elles-mêmes !

Vicky Sommet

« Le français va très bien, merci » écrit par un collectif « Les linguistes atterrées », un manifeste qui pour €3,90 vous fait réfléchir sur le devenir de notre langue (Éd. Tracts Gallimard, mai 2023).

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