L’Odyssée de la Vénus de Milo        

0

D’une petite île grecque, Milo, aux salles du Musée du Louvre, la statue a voyagé tout en gardant son mystère, qualifiée par Théophile Gautier « d’un vague et vain sourire ». Avec une question qui nous taraude depuis sa découverte en 1820, mais que tenait-elle dans ses bras ?

Des archéologues amateurs

D’abord Olivier Voutier, un jeune marin accompagné de son carnet de croquis et qui, tel un explorateur en terre inconnue, découvre cette île en helléniste passionné. Puis ce sera la rencontre avec un paysan grec occupé à creuser la terre aride près du théâtre antique, Yorgos Kentrôtas, qui met à jour un buste de femme en marbre blanc de Paros, sans bras. D’autres éléments seront dégagés à leur tour, des morceaux de hanche, le nœud du chignon et le bas du corps auquel il manque un pied. « Qui a vu la Vénus de Milo peut juger de ma stupéfaction » dira-t-il plus tard ! La déesse de l’amour avait droit à une seconde vie, cette femme nue portait dans sa main gauche relevée une pomme et la droite, soutenait une ceinture drapée, mais mutilées, elles se sont détachées du corps.

Le voyage de Vénus

Il fallut de nombreuses tractations politiques, diplomatiques et financières pour que la statue puisse enfin être portée sur le navire militaire « L’Estafette » et entreprendre un long voyage. Supérieure à la Vénus d’Arles, à la Vénus de Médicis et aussi parfaite que la Vénus du Capitole, ce trésor fut évalué à 10 000 écus pour ses 900 kg de marbre, avant même d’atteindre Paris où sa réputation la précèdera. Protectrice du mariage, de l’amour sacré, la garante de la fécondité et des prostituées, l’idée de la restaurer complètement fut vite abandonnée et elle sera enfin exposée tel quel au Louvre en mai 1821, même si sa nudité choqua les prudes de l’époque !

Personne ne resta de marbre

Reproduite à l’infini, elle rentrera dans de nombreux intérieurs bourgeois, lithographies, sculptures en réduction, celle venue des Cyclades est la plus demandée, en bronze ou en plâtre. On la retrouve dans une œuvre de Daumier, dans l’atelier de Gustave Moreau et dans un poème de Théodore de Banville :

« J’adore votre bouche où le courroux flamboie
   Et vos seins frémissants d’une tranquille joie.
   Et vous savez si bien ces amours éperdus
   Que si vous retrouviez un jour vos bras perdus … »

Arrive 1870 et la guerre, il faut soustraire la Vénus aux Allemands et elle sera cachée dans une fosse des sous-sols de la préfecture de police. Confrontée à l’ennemi, à un incendie et à une inondation, sa boîte de chêne résista à tout et elle put retrouver sa place au Louvre, nouvellement restaurée pour que Goethe ne puisse plus la qualifier « d’adorablement épuisée ».

Son charme les a tous envoûtés, visiteurs anonymes du Louvre, artistes engagés comme Rodin, Dali ou Niki de Saint Phalle mais elle garde encore son mystère car on ne sait toujours pas quel est son auteur ni qui elle est vraiment !

Vicky Sommet

« Le roman vrai de la Vénus de Milo » de Candice Nedelec aux éditions Fayard (mars 2021).

L'article vous a plu ? Partagez le :

Les commentaires sont fermés.