L’origine du japonisme ou la révolution de l’art occidental

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À partir de 1854, le Japon s’ouvre et accueille un nombre croissant d’européens fascinés par sa culture et ses traditions. Les voyages se multiplient, permettant aux visiteurs et au public occidental de mieux connaître les réalités japonaises, tandis qu’en Europe on invente au même moment un terme pour désigner cet engouement qui va progressivement transformer tous les domaines de l’art : le « japonisme ». Le nom d’un artiste commence à apparaître en dehors du Japon : Hokusai.

Hokusai ou le « vieux fou du dessein »

Alors qu’une exposition majeure sur Hokusai et son influence sur l’art occidental se tient au National Museum of Western Art à Tokyo, la France se prépare à mettre à l’honneur le ou plus exactement les japonismes¹. Plutôt connu pour ses ukiyo-e (estampes, ou gravures sur bois), Hokusai fut l’auteur de mangas ou carnets de croquis représentant des scènes de la vie quotidienne, des paysages ou le surnaturel. On les retrouve dans de très nombreuses publications étrangères, comme dans l’ouvrage de Guimet² et Regamey³ « Promenades Japonaises » qui visitent le Japon en 1876. De nombreuses esquisses d’Hokusai illustrent également les ouvrages de Siebold4, qui apporte au monde occidental la plus complète présentation du Japon pendant sa période d’isolement.

Fuji seen from the katakura tea plantation of the province of Sugura from 36 Views of Mont Fuji, 1830-33 vs. Cézanne Mont Sainte-Victoire, 1886-87

Hokusai ou la révolution dans l’art occidental

En 1882, la gazette des beaux-arts, sous la plume de Duret5, reconnait l’art d’Hokusai, non seulement comme japonais, mais de classe mondiale. La compétition est désormais ouverte. Il est temps de remettre en question l’autorité de l’Académie des Beaux Arts et le conservatisme de ses professeurs. En 1867, le Japon participe à  l’Exposition Universelle à Paris. On parle de liberté, de spontanéité de sincérité, de réalisme à propos du maître japonais. L’ouvrage de Manet « Chats » est publié en 1869 et on y retrouve des dessins d’Hokusai et chez Manet, un style humoristique et réaliste jugé provocateur (ses chats sont en chaleur).

Hokusai The illustrated Tang Poems of Eight Characters lines, 1836 vs. Henri-Lucien Lambert Plate from the Service Lambert Rousseau

La transformation de l’art occidental

Des peintres occidentaux vont transformer leur art, recourir aux coups de brosse (les impressionnistes), utiliser  des couleurs vives. Les Japonais sont perçus comme plus libres, intuitifs, instinctifs. L’asymétrie est possible pourvu que le résultat final soit satisfaisant. Un exemple : « La grande vague de Kanagawa » peinte par Hokusai avec à l’horizon, le Mont Fuji. Cette vague inspira Camille Claudel, admiratrice du Japon, avec l’émouvante sculpture « The Wave ». Les coups de brosse, on les retrouve chez Cézanne qui fait jaillir la couleur de ses reproductions du Mont Sainte-Victoire et qui s’affranchit de la perspective classique ou chez Monet, grand amateur d’Hokusai également mordu par cette manie pathologique d’indigo dont parlait, non sans ironie, J-K Huysmans6.

Hokusai Eijiri in the province of Sugura, from 36 Views of Mont Fuji ,1830-33 vs. Monet at Cap D’Antibes, 1888

Le passeur de culture que fut Samuel Bing7 résume l’influence de l’artiste japonais. « C’est un homme sage, philosophe qui étudie un seul brin d’herbe. Mais ce brin d’herbe lui porte à dessiner toutes les plantes — ensuite les saisons, les grands aspects des paysages, enfin les animaux, puis la figure humaine. Il passe ainsi sa vie, et la vie est trop courte, à faire le tout ».

Michèle Robach
Mid&Japon

¹Le Japonisme touche tous les domaines artistiques : la peinture, l’art de la table, la sculpture, la bijouterie, la mode…
²
Émile Guimet (1836-1918), ses collections ont donné naissance au Musée National des Arts Asiatiques.
³Félix Régamey (1844-1907), peintre, dessinateur et caricaturiste français.
4Philip Franz von Siebold, scientifique allemand (1796-1866).
5Théodore Duret (1838-1927), aussi connu pour avoir été le premier avocat des impressionnistes.
6Joris-Karl Huysmans,(1848-1907) écrivain et critique d’art, défenseur du mouvement naturaliste.
7Samuel Bing (1838-1905), collectionneur, créateur de la revue mensuelle « Le Japon Antistatique ». Il donnera à l’Art Nouveau très influencé de japonisme une dimension internationale, grâce à sa galerie « Art Nouveau ».

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