Les romans d’été de la rédaction

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Autant de livres différents à glisser dans nos valises d’été que de regards… Neuf suggestions de titres à lire pendant l’été, parfait reflet de l’esprit curieux et éclectique de notre équipe. Bonne lecture !

Ces liens qui nous enchaînent de Kent Haruf (Pavillons – Robert Laffont, mars 2022)
par Christine Fleurot

Une voix off, celle de Sanders Roscoe, raconte la vie empêchée de sa voisine et amie Edith Goodnough. Une femme totalement dévouée à un père despote et à un frère fantasque, condamnée à la  violence de la vie rurale des plaines de l’Iowa entre cul des vaches et tâches domestiques. De l’arrivée des pionniers dans les  années 20 à celles des années 70 pattes d’éph, la grande Histoire des États-Unis défile en filigrane. Une Jane Campion ou  une Kelly Reichardt ferait certainement de ce superbe portrait de femme, sans une once d’égoïsme et à la force souterraine, un film bouleversant.

Le grand monde de Pierre Lemaitre (éditions Calmann-Lévy, 2022)
par Vicky Sommet

C’est un livre de voyage que je vous recommande pour les longs trajets cet été car il vous emmène en 1948, de Saïgon à Beyrouth, dans une famille où chaque membre Pelletier est à la fois son maître et le valet de l’autre. Sans oublier les meurtres, les histoires d’amour et les trafics, une saga bien française avec un parfum d’exotisme car tout est vivant dans ce roman foisonnant qui se lit avec passion tout comme l’auteur l’a écrit avec passion.

« Diplomates sur le retour, aventuriers, séducteurs, banquiers corrompus, journalistes alcooliques, prostituées et demi-mondaines, aristocratie française, communistes masqués, planteurs richissimes, tout est là. »

Le colibri de Sandro Veronesi (Grasset, 2021)
par Marie-Hélène Cossé

L’auteur italien m’avait déjà enchantée en 2005 avec Chaos calme et réitère avec son Colibri. Une fratrie, un suicide, une propriété de famille sur la côte Toscane, un amour impossible, un homme qui, face à tous les malheurs, tel un colibri, met toute son énergie à rester immobile, à arrêter le monde et le temps autour de lui pour faire face à l’indicible. Passion et tragédie s’invitent dans ce roman d’amour et de résilience où l’auteur au style foisonnant et à la plume virtuose nous emmène de coïncidences en découvertes (l’inventaire des affaires du père au moment de la vente de l’appartement est très touchant comme est cette relation d’amour total du narrateur avec sa fille, puis avec sa petite-fille). Seul bémol, peut-être, une fin digne des Invasions barbares de Denys Arcand qui tourne un peu au prêchiprêcha new age…

« Les enfants sont incroyables vous savez : ils perçoivent davantage ce qu’on tait que ce qu’on dit. Si vous vous occupiez de Mirajin en ayant le coeur vide, vous lui transmettriez ce vide. Si au contraire, vous essayez de combler ce vide et peu importe que vous y parveniez ou pas, ce qui compte c’est d’essayer, alors vous lui transmettrez cet effort et cet effort c’est tout simplement la vie. »

La vie en relief de Philippe Delerm (Seuil, février 2021)
par Marie-Blanche Camps

Philippe Delerm a le don de mettre des mots sur des instants de vie, des sensations, des souvenirs. Dans sa vie en relief, il nous livre dans des courts chapitres sans titre, des bribes de souvenirs dans lesquels transparaissent émotions et nostalgie. Chez la cousine Agnès et le cousin Paul de Courbevoie, il y a « une odeur de dimanche en banlieue ». Les regards croisés avec les filles à l’adolescence, la voix off de François Truffaut pendant une balade dans la baie d’Ecalgrain, une belle journée d’hiver, la couleur des hortensias et surtout, un amour infini pour sa femme… « Prendre dans ses bras la femme qu’on a aimée toute sa vie. ». Les pensées de Philippe Delerm nous replongent dans tous les moments que nous avons vécus.

« Je ne suis pas de mon temps, je suis de tout mon temps. »

Les enfants sont rois de Delphine de Vigan (Gallimard, mars 2021)
par Anne-Marie Chust

Dans son style presque clinique et distancié, Delphine de Vigan nous entraîne dans un roman plutôt addictif où, sous prétexte d’enquête policière, elle nous parle des dérives de notre société. Des années loft aux années 2030, en passant par l’explosion de la télé-réalité et des réseaux sociaux, tout s’expose et tout se vend jusqu’au bonheur familial. Une époque où on ne vit que pour être vu dans un royaume de consommation dont des enfants sponsorisés et soi-disant rois sont filmés presque 24 h/24 par leur mère pour diffusion sur YouTube. Mais ces mères ne sont elles pas elles-mêmes des enfants en quête du fameux quart d‘heure de célébrité ? Et quels enfants produisent-elles (ou produisons-nous) ? Delphine de Vigan met en exergue de son livre la phrase de Stephen King, « Nous avons eu l’occasion de changer le monde et nous avons préféré le téléachat », en tout cas, elle a su aborder un vrai sujet de société et en faire (presque ?) un roman d’anticipation.

La fortune de Richard Wallace de Lydie Perreau (Livre de Poche, 2009)
par Michèle Robach

Né en 1818 d’Agnès Wallace issue d’une famille noble mais ruinée et d’un père biologique marquis qui ne reconnut jamais sa paternité, Richard Wallace, a pu grâce à son ingéniosité, son manque de scrupules, capter l’immense héritage de la famille richissime qui l’a accueilli. Les circonstances historiques (la guerre franco-prussienne) lui ont été favorables, il a  menti, fait disparaître des documents et détourné la fortune à son profit. Bref, ambitieux et chanceux, il fut un habile capteur d’héritage. Il a donné son nom à une célèbre collection installée à Londres. Il est aussi le donateur des fameuses fontaines Wallace, points d’eau potable, que l’on trouve à Paris et dans d’autres villes du monde. Un roman passionnant, basé sur des faits réels.

♦ La Décision de Karine Tuil  (éd. Gallimard, janvier 2022)
par Brigitte Leprince

Karine Tuil empoigne dans son dernier roman le sujet brulant du terrorisme islamique et nous entraîne dans la vie d’un juge d’instruction antiterroriste. Alma Revel doit se prononcer sur le sort d’un jeune islamiste et est parallèlement confrontée dans sa vie personnelle à un choix cornélien. Les deux dilemmes se croisent, s’entremêlent et nous entraînent dans un récit haletant qu’on ne lâche pas jusqu’à l’issue douloureuse. À consommer avidement à la fois pour l’intrigue et pour la fine analyse du quotidien d’un magistrat.

♦ Le bureau des âmes de Catherine Roumanoff (Éditions Le lotus et l’éléphant, 2022)
par Anne-Claire Gagnon

Une marieuse céleste qui apporte « sur un plateau d’argent un homme à chérir, à aimer, dont je serais aimée et qui me ferait grandir ». Voilà la demande de Coco, exaucée au-delà de ses attentes, puisque l’univers adore confier avec ses cadeaux des missions aux cœurs vaillants. Avec ses dons de connexion aux âmes en peine, notre héroïne nous emmène visiter le monde de l’invisible, très présent où que nous soyons. Un voyage qui nous transporte très loin et en même temps juste en nous. Catherine Roumanoff est la guide parfaite pour un roman qui réjouit et console l’âme. Suivez-la dans son sillage lumineux !

L’ivre de mots de Stéphane De Groodt (Éditions Point, 2019)
par Brigitte Leca

« Qui mime me suive ». Encore une fois, je n’ai pas hésité à suivre les nouvelles tribulations de Stéphane de Groodt dans son voyage jubilatoire en absurdie. Dans L’ivre de mots, Stéphane  de Groodt s’essaie dans un premier temps aux dédicaces, « À ces mots qui ont fait de moi un obsédé textuel », « À tes yeux bleus et ce Klein d’oeil qui brille comme l’étoile du maître », puis l’amoureux fou des mots jongle avec des pensées parfois surréalistes « Le soleil est une boîte de rayons de soleil »… Si vous aimez les jeux de mots parfois facétieux, je vous conseille de déguster ce livre page par page, comme je l’ai fait après l’avoir dévoré d’une seule traite.

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