Béatrice Viannay-Galvani embarque les jeunes

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Transmettre aux jeunes la culture et l’envie d’entreprendre, c’est l’objectif de l’association « 100 000 entrepreneurs »¹ qui exerce son activité en France et dans les Outre-mer. Sa déléguée générale, Béatrice Viannay-Galvani, nous explique pourquoi ce thème est si central pour l’avenir de nos enfants.

Un parcours inspirant

Entrainée dans des études de droit par idéalisme, Béatrice s’oriente vers la propriété intellectuelle pour défendre les artistes par amour de la peinture. Une carrière, certes intéressante, mais entreprise sur des illusions, qui s’avère peu adaptée à sa personnalité. « J’ai découvert que je devais toujours gérer des conflits, alors que j’avais besoin de porter des projets positifs et orientés vers une société plus juste. » Le rapprochement avec un entrepreneur engagé, Philippe Hayat, sera déterminant. Il souhaite faire bouger les lignes avec le Club Horizons, un think tank et l’association 100 000 entrepreneurs qu’il démarre en 2007. L’idée est de proposer des témoignages d’entrepreneurs aux jeunes à partir de la 4ème dans des établissements scolaires, implantés notamment dans des zones dites « sensibles ». Béatrice devient en 2011 déléguée générale de 100 000 entrepreneurs, poste qu’elle occupe toujours.

Aujourd’hui, l’association est forte de 28 permanents, 60 bénévoles et 15 000 entrepreneurs et enseignants. C’est la seule organisation de cette échelle à se spécialiser sur le rôle modèle entrepreneurial auprès des jeunes, même si d’autres acteurs travaillent à ses côtés sur des sujets liés à l’esprit d’entreprendre².

Mais il a fallu contourner des résistances, « faire entrer la thématique de l’entreprise dans les écoles n’est pas si facile » souligne Béatrice. Toujours cette envie de faire bouger les lignes …

Inspirer la confiance en soi

Aider les jeunes à faire des choix éclairés, susciter une réflexion sur l’avenir, sont une manière de préparer le monde de demain. Les adultes doivent se faire reconnaitre comme rôles modèle et donner aux élèves la confiance en leur capacité à agir par un dialogue autour de leur propre parcours professionnel : les obstacles, les tournants, les pas de côté, les retours à la case départ, les revers et au bout, la réussite, possible mais jamais acquise a priori. Bref, comme l’exprime si bien un entrepreneur, après à une rencontre avec des enfants de 4ème dans une banlieue de Marseille³ : « donner une image de la réussite éloignée de celle que véhicule les réseaux sociaux et les leurres de l’argent facile ».

Inciter les jeunes à réfléchir sur ce qui les motive, leurs aspirations profondes, leurs rêves, plutôt que de suivre des injonctions ou se précipiter dans des filières suggérées par d’autres.

« On est bon dans ce qu’on aime faire », souligne Béatrice, dont le passage du métier d’avocat à celui de permanente d’une association à but non lucratif suscite bien des interrogations parmi les jeunes qu’elle rencontre. Grâce à une plateforme ultra-performante, la mise en relation, le « matching » entre l’entrepreneur et l’enseignant est facilité. L’entrepreneur s’inscrit sur la plateforme et va choisir la demande d’un enseignant parmi celles proposées, en fonction du périmètre géographique. C’est à lui que revient le choix de la classe et cela évite les a priori possibles des établissements scolaires sur le profil de l’intervenant, son secteur d’activité, sa tranche d’âge. D’ailleurs, la mission auprès des jeunes n’est pas de faire une présentation magistrale sur un métier ou un secteur, mais de partager un parcours de vie.

Combattre les inégalités de destin

Si le mois de mars est traditionnellement réservé à l’entreprenariat féminin, c’est pour éviter que l’image véhiculée sur l’entreprenariat soit exclusivement masculine. Les partenariats de réseaux de femmes4 sont mis à contribution avec succès, au point qu’en 2023, 1 800 femmes sont intervenues. Les retours des lycéens montrent que les jeunes filles se projettent plus facilement dans ces rôles modèles féminins, mettent de côté leurs freins, vont oser une filière qui n’est pas naturelle pour elles. Quant aux jeunes gens, ils s’habituent à des modèles de réussite au féminin et à l’idée d’être dirigés par une femme.

De même, comme le souligne Béatrice, « les lycéens de 15-16 ans des milieux défavorisés en zones rurales éloignées ou des quartiers prioritaires des villes ne se projettent pas vers les mêmes métiers ou avec la même confiance vers les études supérieures que dans les couches favorisées. C’est la double injustice sociale et géographique : selon son milieu social et son lieu de résidence, les aspirations ne seront pas les mêmes ».

L’intérêt des établissements scolaires d’accueillir un témoin du monde de l’entreprise existe aussi dans les collèges plus favorisés et l’association y répond.  Mais ces enfants peuvent profiter du réseau de leurs parents alors que, dans des zones délaissées, on peut vraiment combattre le déterminisme social en favorisant l’ouverture sur le monde professionnel et en aidant les jeunes à mieux identifier leur potentiel. On peut aussi les aider à réaliser qu’au-delà d’une formation, des compétences invisibles, liées à la personnalité de chacun, contribuent à forger la confiance en soi.

Tous ces récits de vie véhiculent des expériences de réussite souvent non linéaires qui contrecarrent les assignations. Ils font évoluer les représentations des jeunes en portant un message fort qui célèbre la diversité et donne envie de se dépasser. En étant une source d’inspiration, ces témoins peuvent changer des vies.

Michèle Robach

¹100 000 entrepreneurs
²Enactus France et Entreprendre pour Apprendre.
³Philippe Zaouti, CEO de société de gestion d’actifs.
4Les Pionnières, réseau créé par Frédérique Clavel, Les Femmes des territoires, FCE France (Les Femmes Chefs d’Entreprises).

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