Christine C, échapper à une vie tracée

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La recherche d’un nouvel horizon jusqu’à trouver « sa place », c’est ce que Christine C¹, psychologue et psychanalyste, a entrepris vers 40 ans, à la marge d’une vie antérieure toute tracée dont elle n’a plus voulu se contenter. Là, elle se sent plus heureuse, dans un métier exigeant qui suppose un engagement entièrement tourné vers les autres.

Un véritable déplacement intérieur

Un nom célèbre d’origine aristocratique, un double prénom, sont autant d’éléments d’informations sur les origines de classe qui participent à l’évaluation d’une personnalité trop vite campée. On trouve sur internet des références sur la famille de Christine, dont les origines remontent au XVIè siècle. Mais désormais, il est impossible de l’y relier. La discrétion est devenue sa règle de vie personnelle et surtout professionnelle. Née Christine Marie de M²…, elle décide de raccourcir son prénom et porter un nom de famille moins connoté. Une décision juste après le décès brutal de sa mère, événement qui lui fait prendre conscience de l’urgence de se « mettre en route ». Jusque là, c’était il y a 20 ans, elle reconnaît avoir vécu dans une bulle, en acceptant les règles de son milieu, sans se poser trop de question sur le monde et sur ses envies, « l’arrogance du bonheur », comme elle le dit. À 40 ans, Christine réalise que sa place est ailleurs, qu’elle a davantage à découvrir sur elle même, mais que pour y parvenir, il lui faut se libérer de certaines entraves, sans pour autant trahir ce qu’elle a été. Un risque, un pari, se délester de ce qui a précédé, ne plus être dans la trace de ses ancêtres, être mieux tout en restant la même : un véritable déplacement intérieur.

L’adéquation à soi

Choisir une orientation professionnelle se fait la plupart du temps au fil de l’eau, comme une somme d’étapes qui nous mène à des choix, certains personnels, d’autres influencés par la famille ou le milieu. Dans le cas de Christine, ce sont les injonctions familiales qui se sont immiscées dans ce parcours jusqu’au déclic où elle décide de sortir de l’insouciance. Avoir été la seule fille dans une fratrie de 5 enfants, dont 4 frères, l’avait entrainé vers une formation d’infirmière plutôt que de médecin, comme elle le désirait. Aux hommes les formations longues et ambitieuses, aux jeunes filles les filières courtes en attendant le mariage. Même, la brève carrière d’institutrice qu’elle entreprend plus tard, ne va pas la satisfaire entièrement.

« C’était plutôt s’asseoir sur le lit des malades pour les écouter à l’hôpital, se pencher sur les cas des enfants difficiles ou des familles dysfonctionnelles à l’école, qui m’attirait. »

Et puis à 45 ans, alors qu’elle rêve d’une formation académique plus poussée, elle décide de s’inscrire à l’université en psychologie et réussit à convaincre le recteur de Jussieu de prendre en compte sa candidature (nous sommes avant Parcours sup…), après avoir fait 3 jours de siège au secrétariat des admissions. Un master en poche, elle quitte sa province natale et s’installe définitivement à Paris afin de travailler en tant que psychologue, puis psychanalyste, dans son propre cabinet, au terme d’un parcours en institutions et à l’hôpital.

Engagement et pratique

« Il est périlleux », nous dit-elle, « de résumer une pratique thérapeutique ». Retenons qu’il s’agit d’une co-construction dans un cadre prédéfini qui suppose un engagement mutuel à l’intérieur duquel est laissé un maximum de liberté au patient. Ce cadre est à la fois structurant et protecteur. Il suppose quelques règles : il est impensable de recevoir des parents proches ou des amis. Le lieu doit être complètement neutre (Christine reçoit à un étage entièrement séparé de son appartement privé). La fréquence des séances, les honoraires, le dispositif fauteuil ou divan (les deux existent dans son cabinet) sont également prédéfinis. Christine s’efforce de préserver son anonymat en faisant fi de sa personnalité, son histoire, ses valeurs. Lors d’une psychanalyse, elle écoute sans jugement la parole du patient (ce qu’il dit, mais surtout ce qu’il ne dit pas), afin de comprendre son fonctionnement psychique, son inconscient refoulé ou clivé et le lui communiquer pour qu’il l’intègre en faisant le lien entre ce qui est verbalisé et ce qui est vécu de manière inconsciente. Dans le cas d’une psychothérapie, il y a davantage d’ « entrées verbales » de sa part. Elle accompagne le patient dans son cheminement personnel  et peut apporter certains éléments de réponses recherchées, afin de le soutenir.

Grâce à ce métier, Christine se sent utile et heureuse de faire partie de ceux qui ont échappé à une vie déjà toute tracée, d’avoir trouvé une place à sa mesure, tout en accueillant l’autre. Une façon de faire de la place à quelqu’un.

Michèle Robach

¹Le prénom a été changé.
² Ibid.

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