Feza Kashema, une femme de cœur

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Très jeune, Feza Kashema veut devenir médecin pour s’intéresser aux autres. À cause de ses mauvais résultats en math et malgré le choix de redoubler pour augmenter ses notes, rien n’y a fait, la carrière de docteur s’est éloignée. Il a donc fallu qu’elle choisisse une autre option et ce sera le métier d’infirmière où son intérêt pour l’autre et son sens du dévouement reflètent encore chaque jour sa véritable personnalité.
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Soigner l’esprit avant le corps. Une fois diplômée, elle choisit d’intégrer d’abord un hôpital psychiatrique, un secteur souvent mal perçu par les infirmières, car le travail y est difficile et se situe dans un environnement fermé. Avec des patients lourdement atteints, toxicomanes, psychotiques ou autistes. « Moi j’ai beaucoup aimé ce travail car c’est bien souvent à la tête que les gens ont mal et c’est ce qui les rend malades. Mais c’est en fait le corps qui exprime leur souffrance. On y apprend aussi que l’autre est différent et même si la folie fait souvent peur, c’est riche d’enseignement sur l’être humain et ses dérives ».

Un avenir qui se construit. Feza Kashema s’oriente un temps vers la pédopsychiatrie puis devient formatrice pour obtenir le statut de cadre, passe du public au privé, mais elle n’a pas aimé enseigner. Se dessine alors le projet de devenir directrice d’hôpital, un Everest à franchir tant les obstacles sont nombreux. Mais elle s’accroche à son projet, passe chef de service avant de retourner sur les bancs de l’école à l’université Paris-Créteil pour obtenir une licence de direction. Et elle choisira, là encore fidèle à ses engagements personnels, le secteur difficile des personnes âgées. « Quand on a envie de faire ce métier, on essaie d’aller à la rencontre de l’âme de l’autre, pas là où c’est facile ! J’étais déjà habituée à la mort, mais je n’avais jamais côtoyé de personnes en fin de vie ».

Le contact et le terrain. Aujourd’hui, elle est directrice d’un établissement d’hébergement pour personnes dépendantes et malgré cette fonction administrative, Feza continue à travailler sur le terrain. « Mes collègues me le reprochent assez souvent mais je continue à faire des toilettes car j’ai un réel plaisir à le faire. Ce n’est pas le côté technique qui m’attire mais bien le lien avec l’autre qui me passionne. J’aime parler à ces personnes d’égal à égal, le secret, il est là ! Et même si avec certaines la rencontre n’est plus possible, je peux construire une relation avec le regard. Ce sont nos yeux qui parlent, le regard et le toucher : tenir une main, prendre quelqu’un sous le bras et se laisser guider par elle, c’est déjà un pas vers l’autre qui a besoin de cet élan pour avancer, marcher ou simplement se mouvoir. C’est ainsi que j’envisage mon métier, un rapport humain fort et un accompagnement naturel ».

Un avenir encore à imaginer. « J’aimerais m’investir dans un secteur que je ne connais pas encore, le handicap. Là aussi, on a besoin de beaucoup de personnel même s’il y a une certaine réticence pour soigner les handicaps moteurs lourds. Je ne sais pas si je serais à la hauteur, je doute encore de mes capacités et j’aurais aussi peur de mal faire. Et puis il y a les structures elles-mêmes auxquelles il faudrait réfléchir. On a beau construire de belles maisons de retraite, mettre en place de beaux protocoles ou instaurer de beaux plans de formation, la relation humaine n’est pas la priorité ». Un constat indispensable : nous sommes dans un pays vieillissant où de plus en plus de personnes devront être accueillies, avec à ce jour pas assez de maisons d’accueil ou des structures trop onéreuses pour certains (l’or gris est une économie rentable) et un univers associatif qui est le dernier bastion avant que le grand bulldozer économique n’avale tout le monde, le seul qui ait encore un semblant de valeurs.

Vicky Sommet
*Article translated by Artemis Sfendourakis for My French Life.

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