Laurence Bossion, la modiste des Tuileries

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Pour Laurence Bossion, le chapeau est le prolongement naturel de la femme, la touche finale qui complète et sublime une silhouette savamment étudiée. Il est depuis plus de 20 ans son moyen d’expression de prédilection.

Le début de l’histoire

Tout commence par une leçon d’élégance donnée par sa mère, partie trop tôt, et ce souvenir d’elle sur une plage prenant un cône de parabuntal¹ récupéré, le retournant et le mettant sur sa tête pour se protéger du soleil. Et ce coloris à tomber par terre : « Vert absinthe… une tuerie ! » s’exclame-t-elle. Personne ne faisait cela à l’époque. Et puis aussi une machine à coudre, des vêtements et des accessoires fabriqués avec sa mère avec des rubans, des bouts de tissus, des pailles, des matériaux anciens, de larges rubans, des fleurs en soie, des madras détournés, trouvés dans les malles au trésor d’une ancienne mercerie (qu’elle a conservés). Cette mère, qui lui a donné le goût et le sens du toucher, la sensation suprême de pouvoir palper, caresser, rêver et créer… Ce goût pour le sur-mesure acquis au plus jeune âge et ce sens aigu des belles matières qui forment l’identité créative de Laurence.

Elle commence ses études supérieures et a la drôle d’idée de faire une prépa HEC : « Mon dieu quelle horreur, ce n’est pas pour moi ! ». Elle effectue alors un an de stage chez un tailleur afin de pouvoir rentrer à l’école de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. À elle les petits points à la main avant de tailler et de monter le costume. On lui ouvre la porte des ateliers, elle fait des stages chez Christian Dior, Guy Laroche, Torrente, devient aussi l’assistante de l’ombre des défilés. On lui confie la reproduction des patrons de robes haute-couture.

Après un troisième cycle à l’IFM² où elle fait du management de la mode et allie la pratique acquise dans l’entreprise à la théorie enseignée, elle comprend qu’elle n’est pas faite pour les grosses entités. Elle s’associe avec une autre créatrice avec qui elle crée une marque de chapeaux. Elles la développeront jusqu’à diffuser leurs modèles au travers de 125 boutiques multi-marques.

Mais trop de gestion nuit à l’imagination et elle décide, après 8 ans d’association, de se lancer et de porter le chapeau toute seule. Elle ouvre sa boutique, qui est aussi son atelier, rue Saint Roch.

Libre dans sa tête

Dans son écrin à chapeaux, elle crée deux collections par an en s’inspirant d’intemporels qu’elle décline : masculin/féminin en feutre (esprit Borsalino), le Panama³, cette paille d’été qui peut être colorée à l’infini et donne cette impression de légèreté, le canotier qu’elle aime beaucoup pour les deux sexes, mais en jouant sur des largeurs et hauteurs différentes et qui peut même devenir un petit bibi, le chapeau cloche, un peu moins à la mode en ce moment, ou alors une base classique pour un bob profond qu’elle peut border de plumes, ou alors plus ébouriffé pour les clientes qui vont à la plage, et ce béret pour l’hiver… Son talent créatif est reconnu par ses pairs et à l’international.

Laurence adore chapeauter ses clientes pour les mariages. Elle peut faire des propositions créatives par rapport aux tenues, aux silhouettes ou au type de cérémonie. Elle rajoute une patine qui lui est propre et détourne les détails pour plus d’originalité. Mais ses clientes peuvent aussi trouver leur bonheur parmi les pièces uniques de ses collections.

Laurence dit d’une autre modiste célèbre, Chanel, qui l’inspire de plus en plus, qu’elle avait un regard pertinent sur la mode, novatrice dans beaucoup de domaines, et chiquissime. Quand Laurence a commencé, elle avait envie d’exubérance, d’ajouter des tas de détails, maintenant elle veut aller à l’essentiel et être plus minimaliste : « Less is more » nous dit cette jeune femme qui ressemble à une dame florentine aux cheveux bouclés tombant en cascade, à la voix douce mais au tempérament fort, aux créations qui lui ressemblent, à la fois élégantes et très stylées. Et que dire de cette version capeline de feutre bordée de plumes d’autruche ? Une tuerie ! Je lui conseillerais de la fabriquer en vert absinthe en souvenir…

Anne-Marie Chust

Laurence Bossion, 10 rue Saint Roch, 75001 Paris. En ce moment, dans notre e-boutique (-10% pour les lectrices de Mid&Plus).

¹La paille parabuntal est une fibre végétale rigide qui provient des Philippines d’un arbuste dans lequel on retire les fibres de la moelle du tronc à la pince à épiler qui seront ensuite tissées une à une. Il s’agit d’un travail de tressage minutieux qui peut prendre plus d’une année pour réaliser une capeline.
²Institut français de la Mode.
³Saviez-vous que le Panama ne vient pas du Panama mais de l’Équateur ? Au moment du percement du canal, les ouvriers équatoriens étaient ceux qui résistaient le mieux à la chaleur et au soleil car ils portaient le « Panama » original fait d’une variété de paille de palmier.

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