Le phénomène Ruth Bader Ginsburg

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Deuxième femme de l’histoire américaine à siéger à la Cour Suprême des États-Unis où elle fût nommée par Bill Clinton en 1993, icône de la gauche progressiste, farouche opposante de Donald Trump, qui donc était cette avocate, juriste et juge américaine, devenue phénomène culturel, qui avait fait de l’égalité des sexes son combat ?

Une façon de procéder originale

Née en 1933 à Brooklyn (New York), le décès de Ruth Bader Ginsburg le 18 septembre 2020 à Washington D.C. a déclenché un séisme politique aux États-Unis pour des raisons que je laisserai à l’appréciation de chacun, mais qui concerne l’équilibre politique entre démocrates et républicains au sein de cette juridiction, extrêmement puissante et déterminante aux États-Unis, deux mois avant les élections américaines. Ruth Ginsburg, fine connaisseuse du droit et de la constitution américaine, a construit un incroyable héritage juridique dans le domaine de l’égalité homme/femme et contre toute forme de discrimination en faisant évoluer la loi par étapes successives. Elle s’y est prise de façon plutôt originale, obtenant ses premiers succès en plaidant des affaires où la victime n’était pas forcément une femme.

L’une des plus célèbres d’entre elles est l’affaire Frontiero vs. Richardson où elle a obtenu que le conjoint d’une militaire bénéficie des mêmes prestations que les épouses de militaires. Dans ce cas, la discrimination était bien faite à l’homme et non à la femme !

Une des 9 femmes d’une promotion de 500 à Harvard

Pourtant, c’était une femme des années 50 plutôt classique, très heureuse en couple et soutenue (et même poussée) tout au long de sa vie par son mari. On n’aurait peut-être pas dû lui demander lors de son entrée à l’université d’Harvard où elle faisait partie des neuf femmes d’une promotion qui en comptait cinq cents : « Comment justifiez-vous de prendre la place d’un homme compétent ? »  Ce à quoi elle a pris l’habitude de répondre en reprenant les paroles de Sarah Moore Grimké, militante abolitionniste et féministe américaine du 19e siècle qui s’était consacrée toute sa vie aux droits des femmes, y compris le suffrage féminin (souvent en compagnie de sa sœur Angelina…encore une histoire de sœurs !) :

« Je ne réclame aucune faveur pour les personnes de mon sexe. Tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils veuillent bien retirer leurs pieds de notre nuque. »

The Notorious RBG

Cette femme d’endurance, qui avait déjà survécu à deux cancers, fière de son indépendance, qui n’hésitait pas à rompre avec la majorité de ses collègues et dire publiquement « I dissent » (je ne suis pas d’accord), en oubliant parfois  le « Respectueusement » de la formule consacrée, était un paradoxe. « Une révolutionnaire en habits de cour », plutôt le style collier de perle, jabot, gants blancs et chignon bas, et pourtant elle devait son surnom de « Notorious RBG » à un rappeur appelé « Notorious Big » assassiné en 1997 pour cause de rivalités « rappeuses ». Car elle était devenue un symbole pop et néo-progressiste pour la gauche américaine. On ne compte plus les « mugs », les tee-shirts à son image ou ses initiales, y compris des costumes d’Halloween !

En 2018, Ruth Ginsberg a fait l’objet d’un documentaire extrêmement intéressant et instructif qui a connu un énorme succès aux États-Unis, ainsi qu’un film intitulé « Une femme d’exception » avec Felicity Jones.

Difficile sans doute d’être indifférente à la grande notoriété lorsqu’elle arrive tardivement et même lorsqu’on est censé faire preuve d’une certaine réserve notamment politique…

Jusqu’à sa mort, Ruth Ginsburg aura repoussé les barrières sociales. Sa dépouille a été transportée avec tous les honneurs pour être exposée sous la coupole du Capitole de Washington. C’est la première femme à recevoir un tel hommage, la première personne de confession juive également. Une vraie femme d’exception.

Anne-Marie Chust

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