Michèle Thomé, la fée rotinière

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1962, la photo en noir et blanc d’une toute petite fille faisant le pitre sur deux beaux fauteuils en rotin du début du siècle. La petite fille doit quitter son pays mais son ange gardien fait suivre les fauteuils. 2022, fatigués, abîmés, ils ressuscitent et toute leur histoire avec, grâce aux doigts d’une fée rotinière, Michèle Thomé. Laissez la petite fille devenue grande vous la présenter. 

Un métier d’art d’exception

C’est grâce à une revue présentant les métiers d’art, ces pépites rares, sources de rêve et d’inspiration, que Michèle Thomé, à l’âge de 16 ans est « tombée en amour » pour le mobilier en rotin. Elle intègre alors l’École nationale d’osiériculture et de vannerie Fayl Billot¹, située en Haute-Marne, spécialité ameublement rotin. À cette époque, la formation « osier » porte surtout sur les contenants, les paniers… Mais Michèle veut « attaquer » le rotin qu’elle trouve plus adapté à la création. Les élèves sont peu nombreux (entre deux et trois) et un jeune professeur innove en acceptant des femmes ! Jusque-là, la sélection ne se faisait qu’auprès des hommes, le cintrage du rotin nécessitant une force certaine. Cette formation très complète l’enchante balayant la pratique, la gestion d’entreprise, le dessin technique… Elle la prolonge en devenant formatrice à Cadenet, dans le Lubéron, village de rotiniers où elle est reconnue par les anciens qui la font progresser dans son art. Elle poursuit sa route en créant un atelier en Corrèze pour personnes handicapées avant de poser ses valises dans le Périgord en installant son propre atelier, le Rotin d’Ans².

Le rotin sous tous ses aspects

Petit cours de rotin : on ne le trouve qu’en Asie, Philippines, Malaisie et se présente sous la forme d’une liane qui peut faire jusqu’à 200 mètres de long. Elle est débarrassée de son écorce et de ses épines, traitée avant d’être exportée sous la forme de baguettes de 3 ou 4 mètres, prêtes à être utilisées. Capitaine de son armée de baguettes, matériau vivant, Michèle les façonne, les cintre, les teinte même parfois selon ses besoins.

« La carcasse d’un meuble est cintrée au chalumeau sauf pour les grosses séries pour lesquelles on se sert d’étuves. Il ne faut pas faire brûler la baguette. On promène son chalumeau et c’est l’expérience qui fait le reste. Chaque baguette est unique. »

Michèle restaure et perpétue ainsi le vivant, l’existant. Je lui serai éternellement reconnaissante d’avoir ramené à la vie mes fauteuils et de m’avoir proposé de créer une banquette assortie d’après de vieilles photos sépia du siècle dernier. Car Michèle aime avant tout créer, toute création est une richesse. Meubles, tableaux, depuis l’installation de son propre atelier, les commandes vont bon train. La dernière en date à admirer : les luminaires pour le restaurant La Coupole du Printemps Haussmann. À venir, des têtes de lits pour un hôtel avec des cannages personnalisés, des séries de tableaux en rotin qui rendent hommage aux arts… Cette année, Michèle rejoint le groupe Erige³, artisans d’arts du Périgord, dans une dynamique créative et d’excellence.

Le nombre de rotiniers en France se comptent sur les doigts des deux mains. C’est si peu. Espérons que l’art, tel que le pratique Michèle, ne disparaisse pas et qu’elle trouve encore beaucoup de temps pour créer et transmettre sa richesse et son enthousiasme.

Agnès Brunel

¹École nationale d’osiériculture et de vannerie Fayl Billot
²
Atelier Le Rotin d’Ans
²
Collectif d’artisans d’art Erige – Vidéo de présentation

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