Pauline Lacombe, théâtralement vôtre

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L’enfance de Pauline ne la destinait pas spécialement à devenir comédienne ou bien si ? Une espèce de superposition d’histoires, de silences et de mots… Cadette de trois sœurs, elle avait besoin de trouver sa juste place. C’est connu, à la position du milieu tout reste à faire !

Acte I : Les coulisses

Pauline est née à Bordeaux, « dans le triangle des Bermudes », dit-elle, l’année en ville, l’hiver dans les Pyrénées et l’été dans le bassin d’Arcachon, avec les mêmes gens qu’on côtoie toute l’année… Elle se sentait comme coincée à Bordeaux, parmi des gens qu’on connaît sans connaître et où elle aurait été pour toujours la sœur de sa sœur ou la fille de son père. Des origines complexes, entre la famille paternelle plutôt traditionnelle et bien implantée, et une famille maternelle d’origine juive polonaise, élevée dans le silence et les secrets surtout après-guerre où certaines choses étaient inaudibles et où on se sentait « tout petit ». Il y a eu choc des grands-mères en quelque sorte et pour elle la sensation de porter l’héritage d’un passé tourmenté.

Acte II : Quiproquos

Enfant, elle a vécu drôlement, comme dirait Prévert. Elle est née très beau bébé aux yeux verts et elle est devenue fille « canon » (croyez-moi ou regardez la photo), mais elle a un « grave » complexe, elle ne mesure qu’1m67 (je ne plaisante pas), alors que ses deux sœurs sont très, très grandes, mais après tout « trop cool de porter des talons », dit-elle. Avoir deux sœurs, c’est sa fierté. Ses sœurs, enfants rêvées de tous les parents et joie des professeurs, pas tout à fait comme elle qui ne parlait pas ou peu et ne se sentait pas toujours à la hauteur (sans jeu de mots), jusqu’à ce qu’elle tombe dans la marmite du théâtre et goûte à sa potion magique.

Acte III : La révélation

La découverte se produit alors qu’elle n’a même pas 8 ans. À son premier cours, une frayeur horrible la saisit quand on lui dit de prendre un costume ou un accessoire et de monter sur scène la première. Elle prend juste une mitaine et interprète sa propre histoire et sa prof se met à pleurer en lui disant qu’elle est faite pour le théâtre et notre tragédienne pense : « c’est là ma place » ! Elle se sent exister, devient intéressante, intègre une troupe. Elle adore être sur scène, pas uniquement pour entendre les applaudissements, mais pour vivre, car il n’y a rien de plus vivant que le théâtre, c’est de la maïeutique.

« C’est énorme de rentrer et de sortir de scène, on est hyper-fébrile, on ne sent plus ses membres, on a une trouille énorme et on arrive à passer de la coulisse à la scène, on se transforme et on oublie tout,  pendant un instant hors du temps. »

Elle découvre aussi « son » grand auteur Jean-Luc Lagarce¹, théâtre très bavard mais qu’elle adore. C’est une révélation, les larmes lui en coulent et elle déclame, « quand je lis Jean-Luc Lagarce, je comprends tout. Il est mort je ne le rencontrerai jamais, c’est le drame de ma vie. »  Je vous disais qu’elle était tragédienne !

Acte IV : Les feux de la rampe

Bac en poche, elle part à Paris, soutenue par ses parents malgré tout. Elle fait, comme tous les apprentis comédiens, de l’histoire de l’art pour apaiser les parents et perpétuer une tradition familiale, mais elle s’inscrit aussi à des cours de théâtre. Elle habite dans un foyer et trouve des petits boulots pour pouvoir faire vivre sa passion. Au cours Florent, elle a l’impression d’être un numéro, mais elle y trouve de très bons professeurs et fait des rencontres fondamentales qui l’aideront à trouver des rôles. Elle crée un festival à Madiran et s’essaie à la mise-en-scène. Elle adore jusqu’à en éprouver un chamboulement organique ! Elle crée sa compagnie, Compagnie en bouche², avec un ex. Ils se partagent les rôles, écrivent aussi à deux, elle adore écrire pour lui, ils sont demandés pour des soirées exceptionnelles.

Acte V : Épilogue (ou pas)

Et 2020 arrive, le 17 mars ils devaient être partout et c’est le confinement et il ne se passe plus rien ! Elle se retrouve dans la panade financière, finit par prendre un job de responsable de magasin pour une très belle marque et dans un bel endroit, mais se sent un peu comme amputée. Elle essaie de maintenir sa compagnie en vie, tout en vivant une séparation très douloureuse. Puis entre deux confinements (qu’elle contourne passionnément), elle trouve le nouvel homme de sa vie, un très beau chef, qui l’aide à se reconstruire. Elle voudrait monter une école de théâtre, mais il faut trouver des soutiens financiers. Elle continue à jouer et à écrire.

Moi j’y crois à la belle Pauline. Elle connaît « la terre entière » dans le milieu et tout le monde est d’accord : elle ne peut pas arrêter le théâtre. Comme son amie Lou Delaâge³ qui lui dit que la balle est dans son camp, Pauline ne manque pas de mots et « connaît le geste pour rester vivante »4.

Anne-Marie Chust

¹Jean-Luc Lagarce : comédien, metteur en scène, directeur de troupe et dramaturge. L’un des auteurs contemporains les plus joués en France (« Juste la fin du monde »). Ses textes sont traduits en vingt-cinq langues et sont joués dans de nombreux pays.
²En bouche Compagnie
³Lou Delaâge : César meilleur espoir féminin 2014-2015 – En ce moment sur les écrans : « Le tourbillon de la vie ».
4Poème de Prévert « Maintenant, j’ai grandi ».

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