#MeToo, le hashtag qui bouleverse

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Partie des États-Unis avec l’affaire Weinstein en 2017, la déferlante #MeToo a engendré un vaste débat à l’échelle planétaire qui nous concerne tous, hommes, femmes, y compris les non-féministes. Il s’inscrit dans le temps long du combat des femmes qui remonte à la Révolution française avec Olympe de Gouges. Mais sa tournure récente marque un changement de paradigme, même s’il est trop tôt pour en mesurer l’ampleur.

L’évolution du droit du post #MeToo

♦ Le harcèlement sexuel est davantage sanctionné et sa définition a été élargie. Il s’agit maintenant d’améliorer sa mise en œuvre et d’éduquer les plus jeunes.
♦ Au sujet du consentement, #MeToo a ravivé le débat en France et a amplifié la critique du droit pénal qui n’y a jamais eu recours de manière claire. En Suède, depuis 2018, on considère comme un viol tout acte sexuel sans accord explicite, même en l’absence de violence. Il n’y a aucune exigence de dire oui formellement, de cliquer sur un bouton, simplement participer physiquement est un signe de consentement. En France, la loi d’avril 2022, suite aux débats provoqués par les livres de Vanessa Springora et de Camille Kouchner¹, témoigne d’une meilleure appréhension concernant les mineurs de moins de 15 ans. Mais les adultes majeurs sont largement oubliés dans les nouvelles dispositions, même si la jurisprudence est en train de changer, en prenant en compte la notion d’emprise.
♦ Dans le domaine de la prescription, elle est pour les adultes de vingt ans pour les crimes et de six ans pour les délits. Une loi de 2018 a  étendu la prescription pénale pour les crimes sexuels sur mineurs de vingt à trente ans après leur majorité.
♦  Enfin, le terme féminicide (121 depuis le début de 2022)  n’est toujours pas reconnu dans le code pénal mais des lois post #MeToo ont été adoptées en vue de protéger les victimes contre les violences. L’Assemblée nationale vient de voter la création d’une juridiction spéciale pour lutter contre les violences intrafamiliales qui doit être revue par le Sénat.

Les hommes, entre résistance et prise de conscience

♦ Pour beaucoup d’hommes de la génération des 65 ans et plus, le mouvement #MeToo est très éloigné du monde où ils ont été socialisés. Cela explique que beaucoup d’entre eux n’en comprennent pas les enjeux et relèguent la libération de la parole à des problèmes de femmes. Ils ne se sentent tout simplement pas concernés puisqu’ils s’estiment non-violents. Ils sont plutôt enclins à souligner les excès des féministes et sont réceptifs au discours de la crise de la masculinité. Ils se sentent menacés, dévalorisés, victimes, perdus face à ce mouvement qui rendrait confuses les règles de séduction.
♦ Pour la génération des quadras-quinquas, en revanche, #MeToo a permis de remettre en question les pratiques de séduction et le rapport au consentement, notion dont ils ont entendu parler, qu’ils aient intégré et choisi d’appliquer le concept ou non.
♦ Mais c’est sur la génération des 15-30 ans, qui a grandi et construit son identité dans ce nouveau monde, que l’impact est considérable. #MeToo a redéfini le licite, l’interdit et plus largement les règles du jeu en matière de séduction et de sexualité. En outre, comme le souligne l’historien Ivan Jablonka² qui a analysé l’impact générationnel du mouvement, ces jeunes gens côtoient des femmes qui ne laissent plus rien passer.

Un inévitable débat

Toutes sortes d’arguments, sont avancés qui tentent de discréditer le mouvement. Ils sont connus et parfois même rebattus On reproche à #MeToo une confusion entre dénonciation et délation, de renier la présomption d’innocence, de ruiner sans jugement ni preuve des réputations, de contourner la voie juridique au profit du tribunal médiatique. Mais c’est oublier que #MeToo dénonce des abus graves, souvent d’hommes en position d’autorité dans un système où l’impunité et la loi du silence sont la norme qui les protège. Dans une mobilisation aussi radicale, les excès sont inévitables et l’on n’y souscrit pas toujours. L’objectif est de transformer les structures pour protéger les femmes et pas d’individualiser le problème, mais malheureusement le tribunal officiel n’est pas toujours une solution en raison de tous les biais institutionnels (délais trop longs, classements sans suite trop fréquents, faute de  preuves, d’éléments matériels, de témoins..), qui entrainent des non-lieux, sans parler de la prescription. C’est ce qu’explique Hélène Devynck, dans son  récit, L’Impunité, qui ausculte les mécanismes de la libération de la parole et met en question le système judicaire. Que faire face à l’impunité sinon dénoncer et avoir recours aux medias ?

Il  est urgent d’inventer un nouveau dialogue entre les sexes qui est peut-être l’une des grandes aventures de ce début de siècle.

Michèle Robach

¹« Le consentement » (Grasset, 2020)  et « La familia grande » (Babelio, 2021).
²Ivan Jablonka, « Des hommes justes » (Ed. Seuil, 2019).

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