Sages-femmes, 50 nuances de soins

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Aider, écouter, soutenir, être sage-femme apparaît comme le plus beau métier du monde. Pourtant, dans la réalité, si leurs missions se sont élargies, leur statut n’a pas évolué créant malaise et demande de reconnaissance de la part d’un métier millénaire indispensable au bien-être des mères et de leurs enfants. Comment lui redonner sans tarder de l’attractivité ?

Beaucoup de tâches autrefois réservées aux médecins

Depuis  2009, les sages-femmes ne sont plus cantonnées aux accouchements. Elles peuvent contribuer au repérage des situations de violences et faire des IVG par voie médicamenteuse. Elles ont désormais un pouvoir de diagnostic et de prescription (contraception, mammographie, frottis..). Elles peuvent assurer l’intégralité du suivi médical et la surveillance de la grossesse (échographie, vaccination) ainsi que les soins postnataux en ce qui concerne la mère (rééducation du périnée) et le nourrisson (allaitement), beaucoup de tâches auparavant réservées aux médecins. Lors de l’accouchement, elles peuvent faire les épisiotomies et proposer une péridurale (90% des accouchements en France). En cas de situation  pathologique constatée lors de la grossesse et de l’accouchement, elles sont tenues d’adresser la femme à un obstétricien. Cette limite est un argument utilisé pour leur refuser le statut de praticien hospitalier que certaines aimeraient se voir octroyer.

Une profession en sous-effectif

Au niveau du salaire, les sages-femmes paient cher la redondance du féminin¹ dans leur secteur d’activité. Les rémunérations sont sans rapport avec les responsabilités demandées. La conciliation entre vie professionnelle et personnelle est une source de tension. Il faut supporter les contraintes des remplacements, la fatigue des nuits de garde et les week-ends de travail. C’est une profession en sous-effectif à l’hôpital en raison des démissions ou de la fuite vers le secteur libéral. Certaines redoutent d’être maltraitantes : ne pas prendre le temps d’écouter, être trop brutale sous couvert de gérer le temps. C’est d’autant plus inquiétant que les symptômes de baby blues peuvent se repérer avant la naissance dans les cas d’anxiété anormale. Si ces manifestations persistent, c’est la bascule vers la dépression.

Chiffre méconnu, 15 à 20% des femmes vont souffrir d’une dépression du post-partum². Un tabou, tant il semble acquis que les mamans doivent se sentir heureuses et accomplies³.

Des adaptations pour pallier les difficultés

Les jeunes diplômées se tournent vers le secteur libéral ouvrant leur propre cabinet et à l’hôpital, elles sont de plus en plus nombreuses à envisager une telle évolution. Les projections font état d’une croissance de 1% d’hospitalières et de 70% de libérales en 20504. En se limitant au suivi des grossesses, les sages-femmes en libéral espèrent en finir avec le stress lié à l’activité d’accouchement et la densité de travail. Même si l’espoir d’une meilleure rémunération n’est pas à négliger, consacrer davantage de temps aux parturientes est une exigence. Pour répondre à la désertion en milieu hospitalier, les pouvoirs publics se sont engagés à revaloriser les salaires et à améliorer la formation du métier. Une loi a été votée afin de permettre d’ici 2027 l’intégration universitaire d’une formation jusque là pratiquée dans des écoles (ce qui va permettre de décloisonner les formations médicales), la création d’un 3è cycle d’une durée d’un an, soit une sixième année de formation et un titre de docteur en maïeutique afin de favoriser la recherche clinique.

De quoi répondre au besoin de reconnaissance ressenti par la profession. Il faut espérer que ces mesures vont suffire pour redonner de l’attractivité au métier de ces femmes détentrices d’un savoir millénaire, ces petites mains subordonnées, dont on oublie l’importance dans la société.

Michèle Robach

¹La profession est féminisée à 97%.
²Enquête nationale périnatale réalisée en 2021 par Santé publique France.
³Le suicide est l’une des deux premières causes de décès maternels, à côté des maladies cardiovasculaires (Santé France).
4D’après la DRESS, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

AU CINÉMA à partir du 15 mars : « Sage-Homme », la nouvelle comédie tendre de Jennifer Devoldere avec Karin Viard et Melvin Boomer, où un jeune étudiant en médecine découvre le métier de sage-femme et apprend à dépasser les clichés qui pèsent sur la profession.

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