Alice de Battenberg, extraordinaire princesse

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On dit d’une femme extraordinaire que c’est une femme qui connait sa valeur, déploie son plein potentiel et est déterminée à accomplir tout ce dont elle rêve pour que grâce à elle le monde soit meilleur. Telle était la princesse Alice de Battenberg, mère du duc d’Édimbourg (mari d’Elizabeth II) dont j’avoue n’avoir fait la connaissance qu’en regardant la série The Crown¹. Une femme émouvante au destin hors du commun et dont la valeur a pris sa juste mesure au fil d’une vie faite d’épreuves, d’écueils et d’empêchements. Immanence et transcendance combinées. Un destin tourmenté.

Qui était-elle ?

Née au château de Windsor en 1885, arrière-petite fille de la reine Victoria, nièce de la dernière tsarine de Russie, sœur de Louis Mountbatten, vice-roi des Indes, belle-fille du roi George Ier de Grèce et mère de Philip d’Édimbourg (le mari d’Elizabeth II), sa surdité congénitale l’oblige à apprendre à lire sur les lèvres et ce en quatre langues. Mariée à un prince grec « inconsistant » dont elle était tombée éperdument amoureuse et pour lequel elle s’est convertie à la religion grecque orthodoxe, elle aura avec lui cinq enfants (dont son petit dernier, « notre » duc d’Édimbourg). Il l’abandonnera, chassée d’une Grèce dans la tourmente, dans des conditions épouvantables (on dit qu’on aurait mis le duc d’Édimbourg, âgé de trois ans, dans une caisse à oranges pour prendre la fuite). Elle survivra aussi à deux guerres mondiales, luttera contre une maladie mentale et fondera un ordre religieux.

De Charybde en Scylla

Forcée à l’exil, la famille s’installe en France, le prince n’est plus vraiment charmant et le couple se déchire. Alice tombe dans une profonde dépression. Très vite, son mysticisme inquiète sa famille qui doute de sa santé mentale. Alice de Battenberg prétend ainsi être en contact avec Jésus et Buddha. Elle affirme recevoir des messages divins et posséder des pouvoirs de guérisseuse. Diagnostiquée, à tort, schizophrène, elle est internée de force par sa mère et son mari dans un sanatorium en 1930 et subit des traitements qu’on pourrait qualifier de « costauds » à base d’électrochocs.  Après cet épisode douloureux qui durera deux ans, elle mène une vie nomade à travers l’Europe, s’installe d’abord en Allemagne où elle dénonce la montée du nazisme.  Elle n’aura pas vu son fils grandir. Son époux s’est enfui dans le sud de la France avec sa maîtresse et pendant sa cavalcade, leurs filles épousent des Allemands, hauts dignitaires du régime nazi.

Une vie dédiée aux autres

Sa quête d’absolu la conduira à s’installer en Grèce sous occupation allemande au début de la seconde guerre mondiale pour secourir les plus démunis. Une fois installée dans la capitale grecque, la princesse Alice travaille pour la Croix-Rouge locale. Elle cachera aussi chez elle une famille juive. Elle se verra d’ailleurs attribuer après son décès le titre de « Juste parmi les Nations » qui revient aux personnes ayant protégé des Juifs durant l’Holocauste. Alice de Battenberg a déjà décidé de dédier sa vie aux autres, elle n’oublie pas son engagement religieux et devient nonne, elle assistera au mariage de son fils Philip avec Elizabeth en tenue religieuse. En 1949, elle fonde la Fraternité chrétienne de Marthe et Marie, un groupe de sœurs qui se consacre au soin des personnes malades. Elle maintiendra ce couvent à flot pendant presque 20 ans à force de courage et d’abnégation. En 1967, après le coup d’état militaire en Grèce, de nouveau contrainte à l’exil, Alice est invitée par la reine Elizabeth à résider au palais de Buckingham. Elle vivra ses deux dernières années auprès de son fils et nouera une relation chaleureuse avec le futur Charles III.

Il est dit dans The Crown qu’elle aurait accordé une interview  à un journaliste du Guardian dans laquelle elle raconte, bouleversante, les coulisses de son quotidien au sein du sanatorium suisse où elle aurait été suivie par Sigmund Freud : « Ce n’était pas un homme gentil », décrit-elle, « j’étais là-bas pendant deux ans et j’ai réussi à m’échapper. »²

En 1969, Alice de Battenberg meurt sous les ors du Palais. Elle fut d’abord enterrée à Windsor puis selon son vœu, la princesse repose maintenant en l’église Marie-Madeleine à Jérusalem. On espère qu’elle pourra y demeurer en paix.

Anne-Marie Chust

¹Série télévisée en six saisons sur Netflix que je recommande vivement (notamment les deux premières saisons).
²Sauf que le journaliste et l’interview n’ont jamais existé mais on ne veut bien croire que ce qui nous est décrit dans cette interview fictive reflète ce tragique destin… et que Sigmund Freud n’était pas forcément gentil. The Crown, Saison 3, épisode 4.

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