Art déco : un dialogue transatlantique incessant

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Quel meilleur endroit que la Cité de l’architecture et du patrimoine au Trocadéro pour présenter cette exposition consacrée à l’Art déco dans ses liens entre le style français Art Déco et celui d’Amérique du Nord ? Et comment l’Art déco français a influencé l’architecture, les décors, le mode de vie des Américains du Nord…

Une émulation réciproque

Dès les années 1900-1910, un mouvement de réaction contre l’Art nouveau, dont certains qualifient déjà les formes de « molles », ou encore le style de « nouille », provoqua une envie de s’orienter vers des lignes simples, des compositions classiques et un emploi parcimonieux du décor. Ce désir de retour à l’ordre, à la symétrie et à la sobriété prend différentes expressions selon les pays et le style monumental, plutôt américain, n’en n’est pas exclu. C’est parce que la touche française dénote qu’elle l’emporte largement ! Dès la fin du XIXe siècle, l’École des beaux-arts de Paris forme une centaine d’architectes américains et canadiens, venus chercher l’art de la composition et de l’ornementation. Cette émulation qui n’est que balbutiante va se cimenter par l’amitié née de l’implication des États d’Amérique du Nord dans la Grande Guerre.

On redécouvre l’importance de l’école d’art de Meudon-Bellevue, née en 1919 pour accueillir les « Sammies »¹ , puis la création au château de Fontainebleau, sous le patronage de la Fondation Rockefeller, d’une école ouverte aux musiciens, artistes peintres, sculpteurs et architectes qui y suivent l’enseignement notamment de Jacques Carlu, l’un des architectes du « nouveau » Trocadéro.

Autrefois contesté, aujourd’hui emblématique

Le « vieux » Trocadéro fut construit en 1876 pour l’exposition universelle de 1878. Le bâtiment inspiré du Palazzo Vecchio de Florence, de la Giralda de Séville dans un style mauresque ou néo-byzantin avec un pignon à la flamande suscita une certaine perplexité ! Un peu chou à la crème, non ? Les Parisiens, qui avaient pourtant l’habitude de décrier pour finalement accepter les constructions d’antan, ne l’ont jamais vraiment accepté et ont commencé à s’en moquer ouvertement. En 1935, enfin !, l’’Etat décide de retirer le bâtiment central et de camoufler le reste sous diverses astuces et en confie la réalisation à Jacques Carlu (et confrères), parti aux États-Unis et revenu pour cause de crise à partir des années 30. Les ailes de l’ancien palais furent ainsi enchemisées dans une nouvelle galerie et place fut faite à une esplanade et des jardins aménagés en contrebas qui conservèrent le nom de Trocadéro.

C’est où Trocadéro ? C’est en Espagne. En août 1823, la France a combattu et vaincu les Espagnols au port de Cadix protégé par le fort du Trocadéro. Pour commémorer cette victoire on donna ce nom au palais du Trocadéro qui trônait autrefois sur l’emplacement exact de l’actuel Palais de Chaillot.

Quand la France influençait encore l’Amérique

Dans les années 1920-1930, la France par la diversité de son répertoire oriente le mode de vie et le goût outre-Atlantique. Clé de voûte de tous les arts, l’architecture entraîna dans son sillage décorateurs, peintres, ébénistes, ferronniers et sculpteurs pour imposer hors de leur pays ce nouveau style Art déco, rompant avec l’Art nouveau. L’Exposition internationale des arts décoratifs et modernes de 1925 à Paris en est le point d’orgue. Elle eut un énorme retentissement aux États-Unis et s’exportera jusqu’au Mexique et au Canada. Tous vantèrent la créativité française et la firent venir chez eux.

L’Art déco est partout : l’art de la table, le mobilier, les vêtements et les cosmétiques, portés notamment par l’émancipation féminine, la presse où on célèbre « le goût nouveau épris d’unité et d’harmonie » et la modernité de ce style, les paquebots transatlantiques, les décors à Hollywood, le sport et la révolution des arts, en général.

C’est cet éventail très large que brasse l’exposition, riche de plus 350 œuvres, à la Cité de l’architecture et du patrimoine et n’oublions pas un sublime portrait de notre belle Joséphine Baker qui, elle, comme d’autres de ses compatriotes musiciens, choisirent de rester en France où la vie était quand même plus douce !

Anne-Marie Chust

¹Nom donné par la population française en référence à l’Oncle Sam.

Art Déco France-Amérique du Nord, Cité Architecture et patrimoine, jusqu’au 6 mars 2023.

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