Dans « l’air du temps », plus furieusement sensible que jamais, le thème de l’identité sexuelle et de son expression par le look dit « androgyne » est en fait un vieux sujet exploré de longue date par les artistes, dont évidemment David Bowie. C’est avec ce prisme que nous avons choisi de décrypter la rétrospective qui est consacrée à la star hybride de la musique brit à la Philharmonie de Paris.
Chez certains, l’exposition David Bowie is peut provoquer un sentiment étrange. Des dizaines de looks de l’icône glam rythment l’espace, à commencer par cet incroyable costume de scène imaginé par Kansai Yamamoto pour le Aladdin Sane Tour en 1973. Puis viennent ses maillots de corps, ses combis moulantes, ses chaussures plateforme ou ses costumes aux épaulettes géantes. Toute l’esthétique transgenre de l’artiste explose dans les vitrines, tandis que ce passeur génial, ce Dorian Gray de la musique, cet avant-gardiste inlassable vit, on le sait, presque reclus dans son appartement new-yorkais depuis sa crise cardiaque en 2004.
Homosexualité de posture
Il y a quand même comme une petite douleur à muséifier Bowie, mais on se laisse porter par la musique qui se déclenche dans le casque à chaque fois que l’on change d’espace ou de salle et l’on se concentre sur le rythme, les couleurs et ce corps qu’il choisit de donner en spectacle dès sa première apparition à la télé britannique dans l’émission culte : Top of the Pop. En 1972, Ziggy s’affiche, Bowie se revendique gay (ce qu’il infirme en 1976 pour se déclarer bisexuel) ; bref, l’artiste a bien compris qu’il tenait un bon sujet.
Renaissance berlinoise
À cette époque, il s’habille comme sa première femme, Angie Barnett, couche avec Mick Jagger (selon Madame) et a déjà posé en robe décolletée sur la pochette de son album The man who sold the World. En France, Starmania sort (1978) et reprend évidemment à travers plusieurs personnages hybrides et insurgés ce thème de la disparition des genres et de la représentation de l’homme de demain. Entre temps, Bowie s’affiche en Halloween Jack et préfigure l’esthétique rock des années à venir. De plus en plus drogué, de plus en plus maigre, il part à Berlin avec son tour de taille 65, moulé dans son jean slim blanc, taille 26. Un look qui inspirera bien plus tard les plus grands créateurs de mode, dont évidemment Hedi Slimane chez Dior Homme.
Les disciples
Il peint. Il peint bien et revient pour traverser les années 80 peut-être moins provoquant, mais toujours aussi puissant. Dans cette décennie, joyeuse et bronzée, le mélange des genres continue d’inspirer les artistes : Mylène Farmer en France avec son tube Sans contrefaçon ou encore Jean-Paul Gaultier quand il met les hommes en jupe. En 2013, poussé en studio par sa sculpturale Iman, Bowie revient, en messie rock un brin illuminé dans un clip polémique ensanglanté. Depuis longtemps déjà le thème de l’androgynie a quitté les pochettes de vinyles pour inonder les podiums d’abord, puis la rue, l’Assemblée et enfin l’école : mariage homo, abécédaire de l’égalité, études du genre, loi sur la maigreur… Lorsque l’exposition Bowie fut inaugurée au très prestigieux Victoria & Albert Museum en 2013, c’est sa grande amie, l’icône du style androgyne Tilda Swinton qui lui offrit le plus émouvant des discours. Certains artistes, continuent de faire vivre, à leur manière, les belles heures de l’androgynie colorée et inspirée à la Bowie. Vivement 2050 et l’expo consacrée à Stromae… Tous les mêmes on vous dit.
Astrid Renoult
David Bowie is. Jusqu’au 31 mai 2015. Philharmonie de Paris. 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris
Pensez à réserver vos places… //davidbowieis.philharmoniedeparis.fr/fr/exposition
Comment venir ? philharmoniedeparis.fr/fr/pratique-et-services/acces-et-horaires/comment-venir
Pour ceux qui préfère le cinéma, une visite filmée de l’exposition originale au Victoria & Albert Museum réalisée par Hamish Hamilton est prévue le 1er juin à 20h dans 100 salles en France. www.pathelive.com/fr/sp/evenements/david-bowie-is-1
Crédits photos: © Duffy Archive & The David Bowie Archive-© Sukita / The David Bowie Archive-© Sukita / The David Bowie Archive-© Frank W Ockenfels 3.