Femmes artistes, artistes femmes

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Une foire comme Art Paris ne dure que quelques jours, mais elle est l’occasion de redécouvrir des artistes, et notamment des femmes dont la légitimité créatrice n’est plus à démontrer. Leur capacité d’innovation n’a jamais été autant mise en valeur et tous les acteurs ou grands évènements du marché de l’art y contribuent. L’histoire ne pourra jamais plus les oublier !

Un sentiment d’allégresse chez Sonia Delaunay

©Galerie Berès - Sonia Delaunay - Rochers de MontreuxArtiste d’origine ukrainienne (1885-1979), elle est tenue pour mineure au moment du triomphe du modernisme et longtemps soumise à l’attitude discriminatoire des critiques, à l’égard d’une femme qui osait innover en matière d’art moderne en explorant le design, la mode, le textile. Pourtant, l’aspect utopique de ses créations à une époque de profond changement dans le monde artistique lui vaut une place à part dans la Galerie Bérès¹ et une mise à l’honneur au sein du parcours « Fragiles utopies, un regard sur la scène française » d’Art Paris 2024. On peut voir régulièrement ses tableaux au Musée National d’Art Moderne (qui lui a consacré une rétrospective majeure en 2014), au Centre Georges-Pompidou ou à la Bibliothèque nationale de France. Deux œuvres se trouvent au Musée d’arts de Nantes² : Le nu jaune (1908), caractéristique de sa fascination pour la couleur qui rappelle les peintres fauvistes qu’elle découvre à Paris en 1906, et Rythme syncopé, dit Le Serpent noir (1967), une tapisserie qu’elle a réalisée à 82 ans en pleine apogée de sa carrière, synthèse de l’une des explosions artistiques qui l’a beaucoup marquée : le jazz.

Du cousu main chez Sheila Hicks

Longtemps mise au ban de la reconnaissance, il faut attendre le milieu des années 2010 pour que Sheila Hicks, une autre artiste globale, connaisse enfin la notoriété. À Paris on a pu voir ses ballots et ses cascades de coton au Centre Pompidou qui lui a consacré la rétrospective « Lignes de vie » en 2018. Sa tapisserie Scarlet Letter (2024) trône à Art Paris au sein de l’espace de la Galerie Claude Bernard³, mais on peut également voir ses œuvres à la Galerie Frank Elbaz4. Sheila Hicks exprime à travers son tissage un langage complexe qui parle directement aux âmes. Elle l’a appris lors de voyages multiples en Amérique latine et au Mexique où elle s’est initiée aux méthodes traditionnelles des tisseurs. Scarlet Letter traduit un sens aigu des couleurs. Cette tapisserie est comme une sculpture qu’on a envie de toucher, tant le rouge y est profond, tactile. D’ailleurs, elle nous y invite…

« Ne vous empêchez pas de toucher mon travail. Vérifiez que le gardien regarde de l’autre côté et allez toucher. »

… et chez des ouvrières chinoises des années 50

Autres curiosités à la frontière de l’Art qui nous font voyager, les Ge Ba. Ces singulières peintures de tissu datées des années 50 ont été réalisées par des employées du textile en Chine et sont issues du recyclage de fragments de tissus usés fixés grâce à une base de colle de riz. Cette collection de Ge Ba a été réunie par le collectionneur François Dautresme (1925-2002), fondateur de la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine. Elles font penser à des tableaux de Paul Klee, Serge Poliakoff ou même Nicolas de Staël. Déjà montrées au Musée Guggenheim, à Bilbao ou au Centre Pompidou, elles sont exposées à la Galerie Françoise Livinec5.

Les forêts monuments d’Eva Jospin

Sur les murs de la Galerie Suzanne Tarasiève6, deux bas-reliefs d’Eva Jospin, au détour d’une allée de la foire d’Art Paris. Difficile de détourner le regard tant l’attention est captée par la magnificence des œuvres, qui représentent des forêts, lieu de mystère et de rêverie. À la fois sculptures et tableaux, les ouvrages sont en carton, matériau de transition modeste, qu’elle utilise habituellement. Une rencontre positive entre la main de l’homme et la main de la nature qui s’entremêlent d’une manière harmonieuse. Traversée par son époque, Eva Jospin témoigne à sa façon que les forêts sont en danger. Présentée au Palais des Papes à Avignon jusqu’en février, on pourra contempler ses œuvres à l’Orangerie du château de Versailles du 18 juin au 29 septembre 2024. Un beau rendez-vous en perspective !

Art Paris nous a dévoilé de l’art, qui n’a pas pour seule fonction de représenter ou décorer, mais qui « représente des modèles pour la perception, la pensée et l’action » selon la formule d’Éric de Chassey, historien d’art, commissaire invité.

Michèle Robach

¹Galerie Bérès
²Musée d’arts de Nantes
³Galerie Claude Bernard
4Galerie Frank Elbaz
5Galerie Françoise Livinec
6Galerie Suzanne Tarasiève

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