L’Institut de France, bastion de la virilité

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Sur la passerelle des Arts vers le quai Conti, le long de la Seine, devant nous, l’Institut de France, immobile devant l’éternité, étend sa façade en arc de cercle, de part et d’autre du dôme de l’ancienne chapelle qui abrite l’ovale de la célèbre coupole. C’est majestueux ! Quel est-il ?

La parité en marche

Chronologiquement, l’Académie française fut la première des « académies royales ». Elle est dirigée depuis 1999 par Hélène Carrère d’Encausse, première femme à exercer la fonction de Secrétaire perpétuel (au masculin !). Au cours des trente années qui suivirent sa création, quatre institutions pareillement dirigées par un Secrétaire perpétuel l’ont rejointe. Les femmes y sont progressivement admises, au gré de la disparition des membres, nommés à vie. La coupole est l’espace où se tiennent depuis l’origine, les séances solennelles très codifiées de cette élite compassée. C’est là qu’en 1980 fut accueillie la première femme de lettres, Marguerite Yourcenar, toute de noir vêtue, entre espoirs, résistance et franche hostilité. Jusqu’à cette date, l ‘Académie française n’était réservée qu’aux hommes, rien qu’aux hommes. Depuis, 10 femmes ont siégé parmi les 40 immortels. La parité est en marche, mais loin d’être totale…

L’Académie des beaux-arts (10 femmes sur 58 membres), l’Académie des sciences morales et politiques (4 femmes sur 46 membres), l’Académie des inscriptions et belles lettres (6 femmes sur 55 membres), l’Académie des sciences (31 femmes sur 286 membres), toutes regroupées en 1975 sous une entité appelée l’Institut de France.

Le « bon usage » de la langue

L’Académie compose son propre dictionnaire qui érige le bon usage de la langue, les emplois déconseillés et les constructions fautives. Elle se veut un repère. Toutefois elle n’a pas autorité. Plusieurs exemples rappellent cet état de fait. Le refus d’un député¹ de féminiser le titre d’une collègue, persistant « au nom de l’académie », de l’appeler (contre l’avis de l’intéressée) Madame le Président, s’est vu infliger une amende. Finalement, début 2018 l’Académie s’est prononcée en faveur d’une « ouverture » à la féminisation des noms de métiers, de fonctions de titres et de grades. Une évolution fort prudente. Quant à l’écriture dite « inclusive », elle dénonce « un péril mortel » pour la langue qui se trouverait disloquée, mutilée. Que dire de la levée de boucliers devant la décision du Petit Robert d’inclure le pronom –iel dans la version en ligne de son dictionnaire ? Pourtant, partie de cercles militants, il y a aujourd’hui une prise de conscience générale des questions d’identité de genre.

Kamala Harris précise ses pronoms, du genre féminin she/her. Aux États-Unis, signer ses e-mails avec ses pronoms est tout à fait banalisé. En France, on s’agite, on résiste alors que l’on devrait réfléchir davantage au rapport entre langage et pouvoir.

L’autorité de l’Institut repose sur l’influence, notamment un nombre considérable de prix, et sur la gestion d’un imposant patrimoine accumulé au fil de donations généreuses, mais non sur le pouvoir de contraindre ou de légiférer. Son prestige est indéniable, mais certains y voient une organisation « confuse et datée » qui, de plus « n’est pas efficiente en matière de gestion »².

Michèle Robach

¹En 2014, Julien Aubert avec la socialiste Sandrine Mazetier.
²Rapport de la Cour des comptes 2021.

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