Suzanne Valadon, un monde à soi

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Elle n’avait pas été exposée, seule, depuis la rétrospective que le Musée national d’art moderne de Paris lui avait consacrée en 1967. L’exposition Suzanne Valadon – Un monde à soi, conçue et présentée au Centre Pompidou-Metz en début d’année, est reprise et adaptée par le Musée d’arts de Nantes. L’oeuvre de Suzanne Valadon (1865-1938) est remise à l’honneur : elle n’est plus la « femme de », ni la  « mère de », mais une femme artiste et une professionnelle de l’art, d’une étonnante modernité.

Avec une centaine de tableaux et oeuvres sur papier présentés de façon chronologique, on découvre la vie aux multiples facettes de la petite Marie-Clémentine, qui adopte à 15 ans le prénom de Maria au début de sa carrière de modèle et qui devient Suzanne en signant son premier autoportrait au pastel. Née de père inconnu, Maria vit à Montmartre avec sa mère lingère. Après plusieurs petits boulots, elle travaille quelque temps en tant que trapéziste dans un cirque, puis après une blessure, entame une carrière de modèle. Elle pose pour Pierre Puvis de Chavannes, Auguste Renoir, Gustave Wertheimer, Henri de Toulouse-Lautrec,… Elle écoute, observe, s’imprègne des différentes techniques. Son regard se forme pendant les longues séances de pose et elle commence à dessiner -en cachette.

Le plus de l’exposition : les éléments documentaires sur ce que signifiait être femme et artiste au début du XXe siècle. L’accès des femmes à l’enseignement artistique reste exceptionnel, elles ne sont autorisées à assister à la classe de nu qu’en 1901, la première femme peintre reçoit le Prix de Rome en 1925 seulement…

Autodidacte, Suzanne Valadon a tout appris au contact des plus grands peintres et elle trouve sa propre voie. Son trait est puissant, il sait définir la forme et laisser le vide s’exprimer. À 29 ans, elle est la première femme à exposer (cinq dessins d’enfants) au Salon des Beaux-Arts. Edgar Degas va lui enseigner la pratique de la gravure. Elle s’attaque ensuite à la peinture, sa palette de couleurs s’élargit, les contrastes sont forts, elle utilise le cerne noir pour raviver les couleurs. Elle s’attaque alors au nu et pour la première fois, une femme artiste se représente avec son concubin, le peintre André Utter (qu’elle épousera plus tard), ami de son fils, dans le plus simple appareil : Adam et Éve est un hymne à l’amour et à la liberté des corps.

©Wikipedia - Adam_and_Eve,_Suzanne_Valadon

Une photographie accompagne le tableau Adam et Ève (1909) et révèle que la ceinture de feuilles de vigne d’Adam a été ajoutée, sans doute pour le présenter au Salon d’automne de 1920 : à l’époque, les femmes artistes ne pouvaient pas montrer des corps d’hommes entièrement nus.

Après les natures mortes et les paysages, Suzanne Valadon peint des portraits de sa mère, Madeleine, de son fils, Maurice Utrillo, de sa petite-nièce Gilberte, puis, sur commande, de son entourage, amis, marchands d’art et collectionneurs. Elle peut vivre de son art. En 1924, l’État achète La Chambre bleue. Suzanne Valadon expose à Tokyo, Amsterdam, New York, Pragues, Genève. Elle meurt en 1938, reconnue par la communauté artistique. Pablo Picasso, André Derain, Max Jacob l’accompagneront dans sa dernière demeure.

Marie-Blanche Camps

Musée d’arts de Nantes, 10 rue Georges-Clemenceau, 44000 Nantes – Jusqu’au 11 février 2024. Entrée : €9 du lundi au dimanche de 11h à 19h, gratuit le jeudi de 19h à 21h et les premiers dimanches de chaque mois. Fermé le mardi. Pour nos lectrices d’Espagne : l’exposition sera reprise et montrée au Museau Nacional d’Art de Catalunya à Barcelone du 19 avril au 1er septembre 2024.

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