La vertigineuse question d’Annick Cojean

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Comme l’interview est l’art de la rencontre, Annick Cojean a demandé à 30 personnalités féminines de  développer l’idée « Je ne serais pas arrivée là si …  ». Grand reporter au journal Le Monde, auteure reconnue, notamment d’un livre d’entretiens autobiographiques avec Gisèle Halimi juste avant sa disparition¹, la journaliste présente deux qualités essentielles dans son métier : curiosité et humanité.

Un retour sur soi

L’ouvrage² qui a donné lieu à un spectacle porté par les voix de Julie Gayet et Judith Henry en 2020 dans le cadre du festival « Paroles Citoyennes » est avant tout une réflexion avec des réponses qui ont amené les femmes interviewées à interroger leurs souvenirs, les visages croisés, les soutiens affichés et les doutes surmontés, et qu’elles comprennent qui elles étaient, qui elles avaient voulu être et qui elles sont devenues. Ce qui, pour Annick, exigeait un nouveau regard, différent des terrains de guerre d’où l’on revient meurtrie, sans savoir si rendre compte des douleurs du monde est l’essence même du métier de journaliste.

La franchise pour réponse

Amélie Nothomb debout à 4h, boit un ½ litre de café et écrit sur des cahiers d’écolière. « Si je n’avais pas été insomniaque de naissance, je n’aurais pas pu raconter des histoires où j’étais tous les personnages à la fois. Je pense que si je suis devenue écrivain, c’est en grande partie parce que je ne parvenais plus à me raconter l’histoire dans ma tête ». Juliette Gréco sauvée par l’amour : sortie de Fresnes, une mère dans la Résistance et déportée, le salut est venu de sa professeure de français qui l’a empêchée de mourir, l’a considérée et reconstruite. Et mise sur la voie artistique avec Sartre qui lui écrit des chansons, puis Vian, Queneau ou Camus, et lui a transmis le sens de la liberté, elle qui a chanté en Espagne sous Franco, au Chili sous Pinochet et affirmé « Les femmes sont des hommes bien ».

Les ailleurs qui construisent

Delphine Horvilleur, femme rabbin, est passée par un ailleurs pour se trouver : Israël, l’Amérique, études de médecine, de journalisme, pour endosser son identité « Une phrase juive dit qu’il ne faut jamais demander son chemin à quelqu’un qui le connaît, car on risquerait de ne pas se perdre ». Joan Baez pense que Dieu lui a donné un don, une voix pour chanter. Considérée comme une « Wetback », (« dos mouillé » clandestin qui franchit le Rio Grande pour venir en Amérique), elle rêva de gagner la reconnaissance des Blancs et protestera contre la guerre au Vietnam, défilera en Alabama pour les droits civiques et chantera à Bratislava pour Vaclav Havel. Angélique Kidjo, « Première diva d’Afrique », a eu un père qui a mis ses sept fils à l’école… et ses trois filles aussi ! Devenue une des 50 icônes du continent, elle chante pour tous dans les stades ou sur les places publiques.

« Je ne serais pas arrivée là si … » : moi aussi, je remercie Mid&Plus pour le plaisir de partager avec vous mes rencontres et mes coups de cœur. « Je ne serais pas arrivée là si… », la suite de la phrase pourrait simplement s’écrire ainsi : « … si on ne m’avait pas tendu la main ! ».

Vicky Sommet

¹ « Une farouche liberté » d’Annick Cojean (Grasset, 2020)
²« Je ne serais pas arrivée là si … » d’Annick Cojean aux éditions Grasset (2018) et en livre de Poche.

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