Olympe, Amin, Neïla : de l’exil à la plume

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Olympe de Gouges, Amin Maalouf et Neïla Romeyssa sont trois auteurs ayant chacun exploré le thème de l’exil dans leur travail littéraire. Avec les mots de leur temps et leur sensibilité particulière, leurs travaux offrent une réflexion profonde sur l’impact de l’exil sur les individus et la société, ainsi que sur les implications plus larges de l’émigration forcée et la recherche d’une terre d’accueil.

Olympe de Gouges : avant-garde féministe de la Révolution Française

Née en 1748 sous le nom de Marie Gouze, Olympe de Gouges grandit dans une famille pauvre et n’a jamais reçu une éducation formelle. Cependant, elle apprend à lire et à écrire et commence à écrire des poèmes et des pièces de théâtre dès son plus jeune âge. À l’âge de 18 ans, elle quitte sa province pour rejoindre la capitale. Rapidement, elle acquiert une réputation de femme talentueuse et indépendante. Dès le début de la Révolution française, Olympe de Gouges s’implique dans les cercles politiques et commence à écrire de manière engagée. En 1791, elle publie La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, inspirée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen adoptée par l’Assemblée nationale en 1789. Dans ce manifeste, Olympe de Gouges plaide pour l’égalité des sexes devant la loi, l’accès à l’éducation et aux professions, ainsi que le droit de vote pour les femmes. Malgré le soutien de certains membres de l’Assemblée nationale, Olympe de Gouges reste largement critiquée et ridiculisée pour son engagement. En 1793, elle est arrêtée pour avoir critiqué la politique de Robespierre et exécutée par la guillotine.

Dans les années 1970, les travaux d’Olympe de Gouges sont redécouverts par les féministes qui ont reconnu sa contribution à la lutte pour les droits des femmes. Ses pièces de théâtre sont rééditées et toujours étudiées aujourd’hui et ses manifestes sont considérés comme des textes fondateurs du mouvement féministe moderne.

Amin Maalouf : l’écriture comme outil de dialogue interculturel

Né en 1949 à Beyrouth, l’écrivain vit la guerre civile libanaise et la destruction de sa ville natale. Cette expérience douloureuse influence profondément son œuvre. Dans son livre Les désorientés, il décrit le traumatisme de la guerre et le déchirement intérieur que représente l’exil, thème abordé dans Le rocher de Tanios qui a remporté le Prix Goncourt en 1993. Mais Amin Maalouf ne se limite pas à la description de ses propres souffrances, il est également préoccupé par les conflits interculturels qui divisent le monde actuel. Dans Les identités meurtrières, il examine la tendance à réduire les individus à une seule appartenance culturelle, ce qui peut conduire à l’intolérance et à la violence. L’auteur s’engage également dans la promotion de la paix et de la compréhension interculturelle. Dans Le dérèglement du monde, il explore les racines profondes des conflits mondiaux et plaide pour une coopération internationale plus forte afin de les résoudre. Il estime que le dialogue entre les cultures est essentiel pour construire une société plus pacifique et plus juste. Ardent défenseur de la liberté d’expression, Amin Maalouf est contraint en 1986 de quitter le Liban en raison de la censure imposée par le régime en place.

Dès lors, il milite pour la liberté d’expression, en France et dans le monde entier. En reconnaissance de son travail, il reçoit de nombreux prix littéraires prestigieux. En 2011, il est élu à l’Académie française, devenant ainsi le premier membre d’origine libanaise.

Neïla Romeyssa : l’interprète des exilés

Titulaire d’un diplôme en littérature comparée à l’université Paris-Sorbonne, Neïla se spécialise dans le storytelling, l’écriture ou encore le podcast à travers divers expérience dont un poste de journaliste chez Konbini. Par la suite, la jeune auteure dédie particulièrement son art au thème de l’exil. Portée par la nostalgie, Neïla Romeyssa donne la parole à ceux qu’on tait souvent, qu’on oublie, emportés par les vagues, les harraga. Si l’auteure tient autant à conter la vie de ces exilés clandestins, c’est parce qu’elle-même a quitté sa ville natale à l’âge de 18 ans. Algéroise, Neïla n’oublie jamais la ville blanche et lui rend hommage à travers des photos, des écrits, des pensées partagées sur ses réseaux sociaux. Véritable écrivaine 2.0, ses comptes Instagram @neilaromeyssa et @commun.exil sont des exutoires face à la brutalité de l’exil et des porte-paroles pour ces hommes et ces femmes en quête d’un nouveau destin. « Militante des émotions de l’exil » selon ses dires, Neïla Romeyssa a à coeur de replacer les émotions de ces âmes vagabondes, trop souvent ignorées ou banalisées, au coeur de leur histoire, entre espoir et peur. À travers son premier roman Brûleurs paru chez JC Lattès en 2023, elle met en lumière l’histoire de Youcef, Omar ou Abdou et en réalité bien d’autres, ceux qu’elle nomme les « désillusionnaires ».

À seulement 25 ans, Neïla Romeyssa semble vivre plusieurs vies. Conceptrice rédactrice en freelance, créatrice du média Commun Exil, fondatrice du podcast Algéroisement Vôtre, auteure du roman Brûleurs, la jeune femme endosse le rôle d’entrepreneur avec force et singularité.

Trois auteurs qui ont apporté une contribution significative à la littérature en abordant des thèmes pertinents et encore d’actualité. Bien que leurs travaux aient été produits à différentes époques et dans différents contextes culturels, ils ont mis en lumière les souffrances de ceux qui ont été exclus ou persécutés du fait de leur race, leur genre, leur religion ou leur statut social et ont plaidé pour une plus grande empathie et compréhension entre les individus et les communautés.

Kenza Agnaou
Étudiante en Licence III d’Histoire à la Faculté des lettres de Sorbonne Université
Article écrit dans le cadre de son projet de mémoire en collaboration avec Mid&Plus*

*Mid&Plus a, au printemps 2023, à la demande de la Sorbonne, piloté quatre étudiants effectuant leur stage de fin de licence au sein de notre rédaction, afin de les sensibiliser et commencer à les former au métier de journaliste. Ils ont choisi de traiter du thème de l’engagement, qu’il soit littéraire, artistique, sportif ou politique, appliqué à deux femmes et un homme d’hier, aujourd’hui et demain, choisis selon leur domaine d’intérêt.
Marie-Hélène Cossé et Vicky Sommet

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