Les Pionnières du pouvoir : les soeurs Tudor

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Une pièce Shakespearienne : deux sœurs, deux reines pour un trône Tudor, deux pionnières du pouvoir : Mary 1ère dite Bloody Mary (1516-1558) et Elizabeth 1 ère dite the Virgin Queen (1533-1603) ou la souveraineté au féminin…

Les personnages

♦Mary, fervente catholique.
♦Elizabeth, protestante, plus modérée.
♦Henry VIII : leur père, connu pour ses rapports compliqués avec les femmes (c’est un euphémisme). Il en eut six et en tua deux (dont Anne Boylen, la mère d’Elizabeth). Son divorce de Catherine d’Aragon (la mère de Mary) pour épouser Anne Boylen, à la recherche d’un héritier mâle, est à l’origine du schisme avec Rome et de la création de l’Église d’Angleterre.
♦Edward VI : le petit frère, fils d’Henry VIII et de sa troisième épouse Jane Seymour (qu’Henry n’a pas eu le temps de faire décapiter, elle est morte très vite de mort naturelle paraît-il…). Il ne régnera que quelques années (1547-1553) et mourut très jeune.

L’intrigue

♦Mary : une enfance et une jeunesse difficiles, humiliée et mélancolique, séparée à jamais de sa mère on lui enlèvera son titre de Princesse de Galles et elle devra se reconnaître comme enfant illégitime et incestueuse en prêtant allégeance à son père comme chef de la nouvelle église d’Angleterre. Cela vous forge un caractère, disons… sanguin !
♦Elizabeth : son enfance et sa jeunesse pas non plus dorées sur tranche (pardon pour le mauvais jeu de mots), un procès infamant et une décapitation pour sa mère, écartée de la succession dès la naissance de l’héritier mâle, exilée, emprisonnée. Cela vous forge un caractère disons… persévérant !

Ne faisons pas de psychologie de bazar même s’il est dur de ne pas y sombrer aujourd’hui, mais leurs débuts dans la vie furent difficiles et tourmentés et leurs rapports familiaux compliqués et antagonistes (c’est encore un euphémisme). Leur père, un vrai bourreau au bord de la folie, un frère pas commode non plus qui nomma une lointaine cousine, Jane Grey, comme successeur, dont Mary et Elizabeth ne firent qu’une bouchée à la mort de leur frère… Ni une, ni deux, mais deux, Mary se déclare chef de l’église catholique, elle monte une armée, avec sa sœur à ses côtés et elles font toutes deux une entrée spectaculaire dans Londres pour une reconquête du pouvoir rapide et sans états d’âmes. Des guerrières, vous dis-je !

Le dénouement

Mary prend le pouvoir (1553), sombre dans une folie meurtrière (elle a de qui tenir), veut éradiquer les protestants, épouse le très catholique roi Philippe II d’Espagne. Des complots se fomentent, échouent et sont durement réprimés. Elizabeth est soupçonnée d’y avoir participé, est emprisonnée par sa sœur dans le même caveau que sa mère Anne Boylen à la Tour de Londres avant son exécution… Elle en réchappera elle-même de peu, mais Mary ne signera pas l’acte, peut-être touchée par la lettre qu’Elizabeth lui adressera et des liens familiaux indéfectibles (Elizabeth n’a pas fait preuve de la même mansuétude envers Mary Stuart).

Puis une fin de règne décadent pour Mary, une grossesse nerveuse qui l’humiliera devant toute l’Europe, un mari reparti en Espagne s’occuper de son invincible armada et un cancer qui la fera mourir dans d’atroces souffrances (1558). Elizabeth est de nouveau dans la course (règne de 1558 à 1603) !

Le pouvoir au féminin

À jamais unies par une dynastie et un père… ces sœurs Tudor, et elles font sépulture commune dans un caveau monumental à Westminster, auront partagé bien plus que cela. C’est Mary la première qui a pensé la souveraineté au féminin en parlant de la reine comme la mère de la nation. Elles auront prouvé que le pouvoir pouvait être exercé par une femme aussi intelligemment et avec parfois la même violence qu’un homme en maîtrisant le jeu et les intrigues politiques.

Elizabeth s’est taillée une image glorifiée à sa mesure, mais elle a aussi hérité de la réforme fiscale, du développement de la marine, de l’encouragement aux explorations qu’a initiés sa sœur. Elizabeth règnera pendant 45 ans, refusera toute proposition de mariage, installera définitivement l’Église d’Angleterre, repoussera l’invincible armada de son beau-frère (ironie de l’histoire !), provoquera et assistera au renouveau culturel et idéologique de l’Angleterre, l’âge d’or en somme ! Elle a été l’un des meilleurs dirigeants que l’Angleterre n’ait jamais connus, reine célibataire associée à une notion de pouvoir absolu et d’autorité, et la dernière des Tudor.

Deux femmes, deux sœurs d’exception, ont ouvert la voie il y a près de 500 ans ! Et Shakespeare n’en n’a pas fait une pièce…

Anne-Marie Chust

À voir, deux films
Elizabeth de Shekhar Kapur (1998) où Cate Blanchett remporte le Golden Globe de la meilleure actrice
Elizabeth, l’âge d’or de Shekhar Kapur (2007)
À partager, deux cocktails

(à consommer sans modération pour le 2ème, la comparaison entre la longueur des règnes poussant à la raison)
Bloody Mary : cocktail à base de plus ou moins (selon les goûts) : vodka, jus de tomate, jus de citron et d’épices telles que le piment, la sauce Tabasco, la sauce Worcestershire, poivre, sel au céleri.
Virgin Bloody Mary : jus d’orange sanguine, jus de tomate, jus de carotte, deux tomates cerise jaune et rouge et une rondelle de citron (pour le décor).

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