Un jeu fondu

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J’ose à peine vous demander si vous jouez, avez joué ou entendu parler de Candy Crush Saga ? Avec 1,065 milliard de téléchargements, c’est l’application gratuite la plus recherchée et la plus téléchargée du monde : chaque jour 96 millions de joueurs se connectent pour détruire des bonbons colorés et sa page Facebook compte 70 millions d’amis ! Les addicts y jouent dès qu’ils ont deux minutes à tuer… dans les transports, devant la télévision, dans leur salle de bains. Candy Crush plait aux quadragénaires et aux quinquagénaires que nous sommes. L’utilisation des friandises n’est pas un hasard : sucré = plaisir. Le but du jeu est d’exploser des bonbons colorés en associant des combinaisons d’au moins trois sucreries, afin de remplir l’objectif du niveau et de marquer un maximum de points. Il existe aujourd’hui 650 niveaux dans la « réalité », plus 365 nouveaux  disponibles dans les « rêves ». Leur nombre est augmenté progressivement par l’éditeur. Jusqu’au degré 65, c’est plutôt facile… À chaque victoire, une voix vous encourage : « sweet » (sucré) et « tasty » (délicieux).

Alors pourquoi un tel engouement et pourquoi est-il si difficile de décrocher ? En fait, le joueur a une illusion de contrôle. Il peut en théorie s’arrêter quand il veut. En réalité, il semblerait que  l’usage de Candy Crush induise dans le cerveau des réponses comparables à celles que produit la dépendance aux stupéfiants, notamment par des effets de récompense désinhibiteurs liés au circuit de la dopamine. Pendant cinq minutes, on oublie tout. Un article du Courrier des Échos joint relate la tragique histoire d’un employé de mairie ne se rendant pas compte que sa femme et ses deux enfants avaient quitté le domicile familial, tant son obsession pour un jeu monopolisait tout son temps et son esprit…

À l’origine du jeu : cibler les femmes de 25-45 ans ignorées jusqu’alors par les producteurs de jeux vidéo.  « Pour elles, sentir cette addiction est une petite transgression », souligne Manuel Boutet. « Dans leur vie souvent organisée pour les autres, Candy Crush est un moment pour soi.».  En 2011, Sebastian Knutsson crée Candy Crush et en avril 2012, il a l’idée de génie de proposer le jeu à Facebook. Dès lors, où qu’on soit dans le monde, chacun peut voir ses amis progresser et s’échanger des vies.

Si les Européens et les Américains ne jurent que par les bonbons, les Japonais eux depuis deux ans ont la tête tournée par des dragons et autres monstres : Puzzle & Dragons avec 30 millions de téléchargements sur smartphone est devenu l’un des plus gros succès du jeu vidéo nippon (en comparaison, le fameux Pokémon, premier jeu sur Game Boy n’avait enregistré que 10 millions d’exemplaires).

Mais l’action de King, la société qui produit Candy Crush, s’est effondrée le 13 août dernier à la Bourse de New York et se trouve à son niveau historique le plus bas. Pour Puzzle & Dragons, les choses vont mal aussi puisque les téléchargements commencent à ralentir et qu’il vient d’être détrôné par Monster Strike. Le cycle de vie d’un jeu sur le réseau social dépasse rarement les trente-six mois dit-on, la phase ascendante durant environ huit mois, la stabilisation une douzaine de mois et la régression dix mois environ. La désaffection est ensuite progressive et implacable, d’où la nécessité de sans cesse innover pour retrouver le succès.

La fin du petit bonbon a-t-elle sonnée ? Ouf ! En espérant que nos addicts ne se tournent pas tout de suite vers un nouveau jeu…

Marie-Hélène Cossé

http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/08/14/l-editeur-de-candy-crush-se-crashe-en-bourse_4471344_4408996.html http://ww2.lecourrierdesechos.fr/index.php/societe/il-termine-le-dernier-niveau-de-candy-crush-et-realise-que-sa-femme-est-partie-depuis-3-mois-avec-ses-enfants/#.U_H42_l_vsY 

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