Les coups de coeur de nos bibliothécaires

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La vie parfois nous oblige à « sortir de notre zone de confort », souvent pour le mieux. Comment reconquérir sa vie pas à pas en accueillant la nouveauté et en découvrant en nous des possibilités nouvelles ? C’est le thème retenu aujourd’hui par nos bibliothécaires dans leurs six recommandations de livres à lire.

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« Ce matin-là » de Gaëlle Josse (Éditions Notabilia, janvier 2021, 214 p.)

Une histoire de « burn-out », tristement banale… Du jour au lendemain, la vie n’est plus là. Clara  veut se cacher, elle ne sait plus aimer. Puis une amie d’enfance l’invite dans sa ferme, à partager le quotidien pas toujours facile d’une famille d’agriculteurs. Très doucement, les sensations reviennent, et puis elle décide de se remettre en chemin. Il a fallu affronter les désillusions, se souvenir de ce qui la rendait heureuse autrefois, et choisir de tout quitter, avec comme unique projet : vivre. La plume de Gaëlle Josse est toujours au plus près des blessures intimes, du chemin qu’il faut tracer entre l’ombre et la lumière.

« Le chemin des estives » de Charles Wright (Flammarion, janvier 2021, 33 p.)

Afin d’éprouver leur vocation de prêtres jésuites, deux novices traversent le Massif Central sans un sou en poche; loin des radars, et, comme viatique, la Bible et l’Imitation. Leçon d’humilité, de persévérance, de lâcher-prise. Sans regret pour la vie d’avant qui ne les a pas comblés ; leur soif de liberté, de beauté, de vérité, ils la partagent avec Charles de Foucault et Arthur Rimbaud. Malgré leur différence de tempéraments, ils sont portés par une même quête spirituelle. On découvre la France des bouts de ficelle, ces paysages préservés, où l’on peut trouver l’apaisement et l’hospitalité, qui permettent de continuer le chemin exigeant qu’ils ont emprunté. C’est un chemin sans retour : la décision finale va orienter leur vie, à la lumière de ce parcours. Écrit sous la forme d’un journal de bord, ce récit se lit facilement, d’autant plus qu’il n’est pas dénué d’humour. On sort grandi de la lecture de cet ouvrage. Il faut savourer ce livre, riche d’enseignements.

« Pachinko » de Min Jin Lee (traduit de l’anglais par Laura Bourgeois, Éditions Charleston, janvier 2021, 622 p.)

Enceinte, Sunja refuse d’être la seconde épouse de son amant Hansu. Pour ne pas être déshonorée, elle va se marier avec Isak et le suivre au Japon où il exerce en tant que pasteur. L’on suit la vie de ces exilés sur quatre générations, déplacés au gré des conflits. Il faut parfois se compromettre si l’on veut s’enrichir et les salles de pachinko* sont la seule voie accessible pour les Coréens. On ne leur pardonne aucune erreur et la rébellion est passible de prison, voire de torture. L’on comprend à quel point l’ingérence des grandes puissances ont fracturé la Corée. Entre le Nord radicalisé et le Sud où le passé japonais est une disgrâce. Les liens si forts au sein de cette famille vont être tissés de déchirements, d’abandons, mais aussi de loyautés et de solidarités. Malgré les humiliations, ils vont toujours espérer une vie meilleure. Sunja force l’admiration par son courage, elle est prête à tous les sacrifices pour les siens.e.
*Le pachinko est un appareil pouvant être décrit comme un croisement entre un flipper et une machine à sous. Très populaire, plus de cinq millions de machines sont dénombrées au Japon (source Wikipédia).

Béatrice Bothier

 

 

« Marcher la vie – Un art tranquille du bonheur » de David Le Breton (Éditions Métaillié, mai 2020, 157 p., €10)

C’est une passion contemporaine, un nouvel art de vivre, aux significations multiples : volonté de se retrouver avec soi-même, prendre son temps… Dans ce livre stimulant, David Le Breton décline tous les bienfaits qu’offre la marche sur notre vie, les petits bonheurs -se perdre, flâner, s’émerveiller- l’influence sur notre mental, mais aussi les désagréments: la lassitude, l’ennui, les dangers de la nature. Entre anecdotes, et littérature, l’auteur convoque des écrivains dont la marche fut pour certains et certaines un moyen de réaliser leur œuvre. Ce récit vagabond, enrichi par des citations littéraires en tête de chaque chapitre, invite à s’arrêter sur ce que peut apporter cette pratique. On chemine avec l’auteur. Un voyage à ciel ouvert !

« Les larmes de ma vigne » de Denis Pommier et Antonio Rodriguez (Éditions Cherche Midi, septembre 2020, 232 pages, €17)

C’est le livre d’une vie. L’histoire de Denis Pommier, vigneron chablisien qui, en 2008 décide de se convertir au bio et ainsi renouer avec la nature. Mais la transition se révèle être une épreuve avec une succession d’événements inattendus : gel, inondations, canicule,… qui met en péril son engagement. Au prix d’énormes sacrifices, il persévère pendant deux années ( 2016, 2017), quitte à perdre la majorité de sa récolte et la durabilité de l’entreprise familiale. D’une page à l’autre, on ressent le sentiment de détresse face à cette nature qui lui apprend à rester humble. C’est un récit autobiographique passionnant et émouvant que l’on vit sur une année. On suit Denis Pommier, dans son travail, ses relations avec les autres vignerons. Un livre à lire sans modération !

« Loin de la terre surgit le monde » de Fabrice Amedeo (Éditions Plon, septembre 2020, €17)

C’est un voyage intérieur, une quête métaphysique que nous propose Fabrice Amedeo. Car l’océan lui a tout donné : des rêves comme des mises à l’épreuve. Quitter la terre, c’est quitter ses repères, et s’ouvrir à l’inconnu avec tout ce que cela comporte comme émotions. C’est un nouveau rapport au temps, une autre manière de raisonner. En mer, l’homme est seul, face à lui-même, à ses défis, à la nature. C’est un monde qui renvoie à la finitude, à la fragilité. La temporalité n’est plus de mise. On entre en résonance avec l’immensité. Un bel hommage à l’océan, « une déclaration d’amour » tout en poésie qui ne laisse pas d’enchanter.

Florence Desgranges

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