Hypnotique Aphrodite

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Reproduire la beauté
Au bout de son pinceau,
Un grain de peau nacré
Un ovale aussi beau,
Un regard un peu triste
Mais si tendre à la fois,
Ce regard qui insiste
Comme s’il voulait parfois
Nous dire quelque chose,
Cette bouche entrouverte
Ces lèvres humides et roses
Et cette grâce offerte
Au travers d’un portrait,
Par ce peintre émérite
Perpétuant les traits
De la belle Aphrodite.

Cette poésie de Flore dit toute l’émotion ressentie face au magnifique tableau attribué à William Adolphe Bouguereau, souvent considéré par de nombreux experts comme le plus beau portrait féminin de l’histoire de la peinture. Incroyablement émue et fascinée par la douceur et la perfection de ce visage, j’ai  voulu tout savoir de l’oeuvre et son auteur.

Peintre français, né en 1825 à La Rochelle, Bouguereau est un des représentants majeurs de la peinture académique française de la fin du XIXe siècle. Il apprend le dessin à Bordeaux puis entre en 1846 à l’École des Beaux-arts de Paris dans l’atelier de François Édouard Picot. Il remporte le premier prix de Rome en 1850 avec Zénobie retrouvée par les bergers sur les bords de l’Araxe. Son thème préféré est le corps féminin et il est associé au genre du nu académique, en témoigne la Naissance de Vénus (1879) qu’on peut voir à Paris au Musée d’Orsay. Il a beaucoup œuvré pour obtenir l’accès des femmes aux institutions artistiques en France.

En 1876, Bouguereau devient membre de l’Académie des Beaux-Arts, mais l’année 1877 est marquée par des deuils successifs avec la mort de deux de ses enfants, puis de son épouse. En 1866, le marchand de tableaux Paul Durand-Ruel s’occupe de sa carrière et permet la vente de plusieurs toiles à des clients privés, en particulier à des acheteurs américains de sorte qu’une grande partie de son œuvre a quitté la France. Il connaît beaucoup de succès mais est éreinté par Huysmans ainsi que par Degas qui invente le verbe « bouguereauter » pour qualifier ironiquement la texture lisse et minutieuse de sa peinture. Après le deuil subi en 1877, il évolue vers la peinture religieuse sans oublier les nombreux portraits d’enfants dont sa fille Henriette et son fils Paul La Sœur aînée. En 1896, le peintre épouse en secondes noces la peintre Elizabeth Jane Gardner. Il mourra le 19 août 1905 à La Rochelle.  

Au cours du XXe siècle, l’influence du modernisme grandit et les artistes académiques sont « mal aimés ». À partir des années 1950, grâce au surréaliste Salvador Dali admiratif de l’art de Bouguereau, on redécouvre son œuvre. Depuis l’exposition rétrospective organisée au Petit Palais à Paris en 1984, sa réputation s’est progressivement améliorée et on constate un vrai regain d’intérêt pour cet artiste talentueux.

Où se trouve cette hypnotique Aphrodite (1879) qu’on aimerait tant admirer ? Elle fait l’objet de beaucoup de thèses : est-elle bien l’œuvre de Bouguereau ou d’un de ses élèves ? On recense environ 800 toiles dont beaucoup ont disparu alors lui est-elle attribuée à tort ? Un artiste numérique prétend l’avoir composée en assemblant d’autres visages mais cette hypothèse est complètement improbable. Espérons que le propriétaire actuel totalement inconnu aura la grande générosité de se dévoiler et de nous offrir le plaisir de contempler cette envoûtante et mystérieuse peinture.

Brigitte Leprince

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