Trois poétesses au rendez-vous du Printemps

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La poésie adoucit les mœurs et les femmes qui s’adonnent à cette forme d’écriture ont la sensibilité nécessaire pour réussir à nous émouvoir. Les mots peuvent apporter réconfort et apaisement et le Printemps des poètes édition 2022¹ fait tout pour rendre à cette forme d’écriture ses lettres de noblesse avec des mots pour soigner les maux. Catherine Pont-Humbert, Pascale Senk, Grisélidis Real sont au rendez-vous. 

Catherine Pont-Humbert, une écriture apaisée

♦ Avec la poésie, vous exprimez vos états d’âme : mélancolie, tristesse, espérance, ces sentiments sont-ils imprimés en vous depuis l’enfance ?
« J’ai fait effectivement un long chemin, qu’on appelle un chemin de vie, qui m’a permis de rejeter l’empreinte familiale et la nécessité de me forger au contact du monde en partant loin et qui m’a conduite, après avoir accepté mes origines, à revenir de façon apaisée au point de départ. Un voyage au sens propre du terme et un voyage intérieur par l’écriture avec ce recueil intitulé Les lits où je prends la métaphore du lit pour m’arrêter dans des escales où le lit accueille le voyageur, le lit qui porte l’empreinte de ceux qui sont passés avant nous et les lits qui sont aussi des lieux d’amour et de rêves. L’écriture n’apporte pas l’apaisement, c’est lorsqu’on est apaisé, en paix avec soi-même, qu’on peut écrire et pas dans l’autre sens. »

♦ Vos mots ont été entendus lors de longs entretiens présentés sur France Culture avec l’émission « À voix nue ». Écouter est un moteur, une forme d’empathie, mais est-ce aussi l’expression du goût des autres ?
« J’ai toujours eu une immense curiosité pour le monde, le voyage, et pour me frotter à de nombreuses expériences humaines pour m’agrandir et partager. En invitant beaucoup d’écrivains, j’ai côtoyé d’autres imaginaires, je me suis intéressée très tôt aux littératures francophones africaines ou à des auteurs comme Edouard Glissant, mais aussi à ceux originaires du Québec, du Liban, pour comprendre que la langue française était partagée par des mondes très différents que la langue rapprochait. J’ai adoré la radio et je me suis aperçue plus tard de l’importance de la voix. Quand on écrit de la poésie, la meilleure manière de la faire découvrir, c’est de la lire à haute voix en public, une expérience que je vis maintenant. »

Après le roman ou l’essai, vous écrivez des poèmes, c’est un genre qui s’est imposé à vous ?
« La poésie oui car le fait de raconter une histoire est assez secondaire, que la langue a la capacité de poser un regard décalé sur le réel et que j’ai compris que ce n’était pas une forme abstraite mais au contraire une expression concrète, sensuelle et narrative, sauf qu’elle ne le fait pas par le truchement d’un personnage. C’est une écriture brève avec une forme de fulgurance qui réveille en nous des émotions. Je suis un peu gênée car même si j’écris de la poésie, j’ai du mal à me dire poète ! Pour moi, ce n’est pas une profession mais un état, je ne pourrais pas voir écrit sur mon passeport, profession poète, cela me semblerait incongru ! »

Diversité, étrangeté, altérité 
Je vous ai démasquées
Vous étiez en moi
Je l’ignorais.

Pascale Senk, une écriture éphémère

La poésie a droit de cité dans toutes les cultures du monde comme au Japon où elle prend la forme des haïkus, avec des vers qui transmettent les émotions, le moment qui passe ou ce qui émerveille et étonne. Une poésie très concise, divisée en « temps » au Japon et en syllabes en France, le tout en trois vers et sans rimes. Pascale Senk explore avec plaisir cet art de l’éphémère dans son nouveau recueil, en nous invitant à percevoir « Les minutes inutiles ».

Chaleur de printemps
dans les feuilles un vent doux
devient violon.

Grisélidis Real, une écriture militante

C’est une toute autre histoire qui s’est écrite en poèmes avec l’œuvre de Grisélidis Real que j’ai rencontrée autrefois alors qu’elle exerçait le métier montré du doigt de prostituée. Malgré une enfance massacrée et sa rage de vivre, elle avait cédé à son désir de créer et d’écrire, biographie ou poésies, et avait toujours mis son corps à distance et se considérait vierge au fond d’elle-même. Elle a touché sans le savoir la grande écrivaine canadienne, Nancy Huston qui, dans un dialogue de femme à femme où elle l’appelle « Gri », souligne les ressemblances et les forces qui les ont animées, hier pour l’une et aujourd’hui pour l’autre, pour défendre les femmes.

À tous mes Amants,
présents et futurs
Je dis Aube.

Vicky Sommet

©Printemps des Poètes 2022¹Printemps des poètes, édition 2022 jusqu’au 18 mars.
– « Chemins » de Catherine Pont-Humbert avec les encres de Jean-Luc Guinamant aux éditions Transignum (mars 2022). Présentation de son nouveau livre avec Jean-Luc Guinamant, vendredi 18 mars à 19h30, Salle Perec au Café de la Mairie, 8 place Saint-Sulpice 75006.
– « Ciel changeant. Haïkus du jour et de la nuit » de Pascale Senk aux éd. Leduc (février 2022).
– « Chair vive, poésies complètes » de Grisélidis Real aux éditions Seghers (février 2022).
– « Reine du réel. Lettre à Grisélidis Real » de Nancy Huston aux éditions Nil (février 2022).

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